Bagnols.
Société
Comment parler de la santé mentale ?
Le pharmacien lance tout fort dans l'officine : « Ah, c'est une ordonnance du Mas Careiron ». Le patient est repéré, le malheureux ne sait plus où se mettre. En découvrant un atroce fait divers impliquant un schizophrène à la Une de leur journal , des clients du tabac vocifèrent : « Il faudrait les enfermer tous ces malades, y a qu'à les pendre ! ».
Voilà un petit aperçu des petites phrases trash, humiliantes, voire insultantes qui rendent le quotidien des malades atteints de troubles psychiques insupportable. A Bagnols, l'association Cézame a choisi de crever l'abcès, mardi, autour d'une table ronde organisée dans le cadre de la semaine nationale de la santé menta le (du 15 au 21 mars). Les partenaires de Cézame que sont le centre médico-psychologique (CMP), l'unité psychiatrique de soins et de réadaptation (UPSR), l'hôpital de jour, le SAVS (le Service d'accompagnement à la vie sociale), la mairie ou encore l'unité de soins en réadaptation du château de Coulorgues.
« Comment en parler sans stigmatiser ? » C'est la question que posent les usagers de la psychiatrie, les soignants, les institutions, les associations et les familles au sein d'une société qui, selon eux, « confond trop souvent violence et maladies mentales, alors que ce sont les personnes touchées par ces maladies qui sont avant tout victimes de violences », témoigne Philippe Delbos l'animateur du Groupe d'entraide mutuelle (GEM) bagnolais Cézame.
Le psychiatre Jean-François Thiebaud, du Point psy de Bagnols, rattaché au centre hospitalier du Mas Careiron, défenseur du « droit de cité » des usagers de la psychiatrie, ne mâche pas non plus ses mots et va encore plus loin : « Je suis effaré, dit-il, par la diabolisation qui est faite de ces maladies à des fins d'instrumentalisation au service du tout sécuritaire ». Les médias sont notamment pointés du doigt, accusés d'entretenir une dangereuse ambiguïté autour des schizophrènes, entre autres.
Mais comment agir concrètement pour changer les regards, les décrisper ? La solution, « c'est d'abord d'identifier l'autre comme une personne et non comme un malade », assure Chantale Brun, la présidente de l'association Epiphyte qui parraine les trois GEM du Gard. Une mission que s'est donnée le GEM de Bagnols au sein de sa maison du 5 rue des Clos de l'Ancise (lire ci-dessous). Il ne s'agit pas d'un lieu de soins. Mais d'un endroit de rencontre et de libre expression, où l'on vient pratiquer des activités, s'inscrire à des sorties, partager un repas en vue de recréer des liens sociaux. Cézame est également convaincu que participer à la vie de la cité et à ses animations à l'instar de la journée des femmes, le 8 mars dernier (lecture de textes), ou à la journée du handicap, événement festif et convivial prévu le 17 avril, peut y contribuer encore plus fortement.
Hélène AMIRAUX
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