Samedi 2 mars 2024
Dans la petite ville de Cadillac-sur-Garonne se dresse un imposant château construit au XVIIe siècle. Après avoir abrité la première prison pour femmes de France, il devient une école de préservation, un lieu d'enfermement pour « mauvaises filles ».
Avec
Véronique Blanchard Historienne, enseignante-chercheuse à l’Université d’Angers
Agnès Geoffray Plasticienne, photographe
Sophie Mendelsohn Psychanalyste
Olivier Du Payrat Administrateur du Centre des monuments nationaux en charge du château ducal de Cadillac
« Vicieuses », « perverses », « anormales », « incorrigibles », « inéducables » ou « débauchées », ce sont les termes que l’on trouve dans les archives administratives pour qualifier les pupilles placées au château de Cadillac. Dès le début du XXe siècle, il abrite l’une des trois écoles de préservation françaises pensées pour procéder au redressement moral de jeunes filles accusées de fugue, de vagabondage ou encore d’outrage à la pudeur. Parfois, elles y sont envoyées à la demande de leur famille, en vertu du droit de « correction paternelle », qui permet aux pères le placement de leurs filles. Déviantes plus que délinquantes, ces jeunes filles placées le sont souvent moins pour d’éventuels délits que parce qu’elles ne répondent pas aux normes de genre attendues d’elles.
Bâtiment d’entrée de l’école de préservation de Cadillac, par Henri Manuel vers 1930 Bâtiment d’entrée de l’école de préservation de Cadillac, par Henri Manuel vers 1930 - Avec l'aimable autorisation de l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse
L’objectif d’une école de préservation est double : il s’agit de « préserver » les jeunes filles du monde extérieur tout autant que de préserver la société de leur comportement jugé déviant. Le château de Cadillac n’a connu aucun réaménagement depuis son utilisation comme prison, les pupilles vivent donc dans un environnement carcéral, en silence : le bavardage y est une infraction. Dans cette « école », très peu d’heures d’instruction, mais quelques activités comme la couture, la réfection de matelas ou les travaux de jardinage, avec l’objectif de les placer comme domestiques à leur sortie. Les corps des jeunes filles disparaissent dans des vêtements identiques et informes, leurs cheveux sont coupés courts à l’arrivée dans l’établissement. Plusieurs rapports d’inspection décrivent un réel lieu de maltraitance et un état sanitaire déplorable. En réponse à l’oppression qu’elles subissent, beaucoup se révoltent ou tentent de s’évader.
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