Il y a 46 ans, en 1974, une équipe internationale regroupant une trentaine de scientifiques (parmi lesquels le français Yves Coppens) découvrait en Ethiopie l’extraordinaire fossile de « Lucy », une australopithèque qui vivait il y a 3,2 millions d’années. Grâce à l’étude fine de ce fossile complet à 40 %, ces chercheurs purent démontrer que Lucy était apte à marcher debout et que, contrairement aux théories dominantes de l’époque, la bipédie datait d'au moins 3,2 millions d’années et avait largement précédé le processus d'accroissement du volume crânien. Cette première révolution dans la connaissance de nos lointaines origines eut un retentissement considérable dans la communauté scientifique. Mais à l’époque, on était pourtant loin d’imaginer que cinq autres découvertes toutes aussi importantes allaient complètement bouleverser notre vision de l’évolution de l’homme.
En mai 2015, une nouvelle découverte résonnait en effet comme un coup de tonnerre dans le monde scientifique : des nouveaux vestiges trouvés par les chercheurs français du CNRS, de l'Inrap 1 et de l'Université de Poitiers, sur la rive occidentale du lac Turkana, étaient datés de 3,3 millions d'années et faisaient reculer de 700 000 ans l'apparition des premiers outils de pierre taillée, les plus anciens retrouvés jusqu'alors, en Ethiopie, datant de 2,6 millions d'années (Voir Nature).
Les nouveaux outils découverts étaient principalement de lourds blocs de lave ayant servi à produire des éclats tranchants au moyen d'une technique dite sur enclume. Cette technique suppose la maîtrise simultanée de trois éléments : le bloc à tailler, un percuteur et une enclume. Le bloc est maintenu sur l'enclume par une main pendant que l'autre utilise le percuteur pour frapper et obtenir des éclats tranchants à partir du bloc. Compte tenu du nombre et de la variété des objets retrouvée sur le site (éclats, enclumes, percuteurs, nucléus), il ne faisait aucun doute, pour ces chercheurs, que ces hominidés avaient produit de manière intentionnelle de véritables outils.