par Marie-Eve Lacasse publié le 9 mai 2024
Lire un conte de fées à ses enfants peut s’avérer une entreprise féministe épineuse, voire impossible. Difficile de choisir entre : 1) Un petit chaperon rouge dévoré par un loup, dans un lieu apparemment rassurant et familier : la maison de la grand-mère. 2) Une jeune fille déguisée en âne qui cherche à échapper au désir incestueux de son père. 3) Un homme à barbe bleue qui fait régner la terreur dans son palais après avoir assassiné toutes ses femmes. 4) Une belle prise au piège par une bête qui la maintient figée dans un syndrome de Stockholm engourdissant. 5) Une femme endormie qui, dans la version de Disney, s’éveille sous le baiser non consenti d’un prince qu’elle ne connaît pas… L’envie d’envoyer balader toutes ces vieilleries par la fenêtre est forte, d’autant plus que la littérature jeunesse contemporaine regorge de princesses qui délivrent des chevaliers ou de familles recomposées à qui il arrive tout un tas d’aventures (et ça finit bien).
Mais Jennifer Tamas, professeure de littérature à Rutgers University, dans le New Jersey, spécialiste du XVIIe siècle et qui fait des contes l’objet de ses nombreuses publications scientifiques, ne l’entend pas de cette oreille. Elle pense, au contraire, qu’il ne faut surtout pas censurer les contes, même les pires – ceux mâtinés de violence et de morale, de sexisme, de racisme et de mépris de classe. Féministe convaincue au pays de la cancel culture, elle vient de publier Faut-il en finir avec les contes de fées ? aux éditions de La Martinière («Alt»), un petit fascicule à destination des ados (dès 15 ans) pour aborder de front ces questions qui fâchent.