Publié le 20 décembre 2023
Laure Westphal Psychologue
Laure Westphal, psychologue, analyse, dans une tribune au « Monde », les ressorts qui poussent des individus à se radicaliser et appelle à mieux articuler les services judiciaires et psychiatriques.
Mohammed Mogouchkov était fiché « S » et avait été contrôlé la veille de son assaut contre Dominique Bernard, le 13 octobre à Arras. Armand Rajabpour-Miyandoab avait « psychiquement décompensé » [subi une rupture de l’équilibre psychique] après la fin de son injonction de soins lorsqu’il a tué, le 2 décembre, un touriste près de la tour Eiffel à Paris.
Plutôt que d’évoquer les ratages des services de renseignement et de la psychiatrie, rappelons que les premiers ne prédisent pas plus les actions violentes que la seconde ne le fait pour les passages à l’acte. La prévention n’est pas la prédiction. Comme nous y conduit aussi le procès qui a condamné, le 8 décembre, les complices de l’assassin de Samuel Paty [assassiné le 16 octobre 2020 à Eragny-sur-Oise (Val-d’Oise)], c’est une réflexion sur la récidive et sur notre modèle de société que nous devons engager.
Qu’est-ce qui amène des individus à se radicaliser et à faire justice à l’oumma, la communauté musulmane mythique, ou au Prophète ? En proie à des affres affectives, des crises identitaires ou une panne d’idéal, certains sont portés par un désir d’appartenance. En se convertissant, beaucoup d’entre eux, comme Armand Rajabpour-Miyandoab, réparent un défaut d’affiliation. Ils conjurent des difficultés d’intégration avec une identité religieuse sans frontière. Le problème surgit lorsque, avec l’islam radical, ils reconnaissent en eux un sentiment de préjudice qui leur offre une solution : le djihad.