Dre Pauline Sériot 20 septembre 2023
La Dre Pauline Seriot, urgentiste, explique pourquoi un reportage télévisé sur la situation des urgences en France a été si douloureux à visionner : « il fait écho à ma réalité », un quotidien qui met les patients « en danger ».
L’hôpital coule, les soignants suffoquent. On nous le martèle. À coups de chroniques télévisées, d’interviews, d’images chocs. Mais la société a-t-elle vraiment conscience de la réalité sur le terrain ? Un reportage de M6 intitulé « hôpital : le combat des soignants pour sauver un système à bout de souffle » (diffusé en mars dernier) a tenté de répondre à cette question.
L’idée de visionner un autre documentaire sur le naufrage de l’hôpital était loin de me ravir. Pourtant, j’ai décidé de consacrer une soirée à observer « mon quotidien » dans cette émission, et j’ai constaté que la situation est la même partout : catastrophique.
Un reportage criant de vérité
Ce reportage devrait être porté à la connaissance de tous tant il est criant de vérité. Alors, on ne creuse pas en profondeur sur les défaillances politiques et économiques ayant entrainé la déliquescence de l’hôpital public ; le sujet est vaste et les minutes sont comptées. Mais l’aperçu est poignant.
Le reportage met en évidence le déroulement des journées du personnel médical au sein d’un service d’urgence d’un hôpital public, retraçant en filigrane son fonctionnement (et son corollaire, ses dysfonctionnements), s’intéressant ensuite aux conséquences de ces derniers. Analysons points par points cette enquête et implémentons les situations qui nourrissent mon quotidien :
Quand vous vous rendrez aux urgences, vous aurez face à vous un médecin qui enchaine 24 heures de garde tous les deux jours et qui totalise plus de 100 heures de travail par semaine.
Quand vous vous rendrez aux urgences, vous remarquerez l’absence de place d’hospitalisation dans les services puisque les patients sont « stockés » dans des couloirs et ce, des jours entiers. Qui les prend en charge ? Les équipes des urgences, en plus des nouveaux patients qui se présentent. On ne compte même plus le nombre de patients. Aux urgences, on hospitalise un AVC au fond d’un couloir, une pancréatite sous un néon, une confusion fébrile dans un courant d’air.
Quand vous vous rendrez aux urgences, vous constaterez qu’il peut y avoir jusqu’à 8, 10, 12 heures d’attente. Parce que les structures privées attenantes ferment leurs locaux à partir de 19h ou qu’elles refusent des patients, tout simplement. Parce quand vous appelez un médecin généraliste, vous tombez sur la messagerie « ne prend plus de nouveau patient, pour toute urgence, faites le 15 ». Et quand vous appelez le 15, on vous conseille de vous rendre aux urgences.
À toutes les questions, les urgences auraient la réponse...
La dignité aux abonnés absents
Quand vous vous rendrez aux urgences, vous remarquerez l’absence de dignité des conditions de prise en charge des patients les plus âgés. Installés sur des brancards auxquels on met des barrières, des heures durant, à attendre un diagnostic, une place dans un service et plus simplement, un verre d’eau, une attention. Pour éviter leurs déplacements et le risque de chute, il arrive qu’on leur mette directement des protections. Avilissant. Ou bien même des contentions quand ils se montrent trop agités, déambulants, en perte de repères, dangereux pour eux-mêmes.
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