par Thomas Legrand publié le 6 mars 2023
Quand, au hasard d’un scrolling machinal, sans rien savoir du contexte, on tombe sur cette vidéo diffusée d’abord par France 3 et reprise sur tous les réseaux sociaux, on suppose que l’homme, sans doute quinquagénaire, est le mari ou le compagnon de la femme assassinée dans un lycée de Saint-Jean-de-Luz. La scène est d’abord convenue, celle d’un cérémonial sobre et plombé. L’homme, dégarni en manteau sombre, va assister à l’office religieux. Rien n’indique dans cet environnement des plus classiques que le rituel va dévier vers la grâce absolue, passer de la pesanteur habituelle du deuil à la légèreté d’une célébration de la vie. On entend d’abord une musique peu commune en ces lieux et moments. Un swing de Nat King Cole, en français.
Tous les poncifs éculés, rabâchés, délavés par la machine à infos
L’homme esquisse alors de lents mouvements circulaires avec ses bras, quelques pas de danse. On est d’abord troublé par l’incongruité de la situation. Puis sa gestuelle épouse parfaitement la musique. Il danse si bien, fait mine d’être accompagné par son épouse. On devine que ce devait être leur musique, leur moment fétiche et complice… Il est bientôt rejoint par plusieurs couples. Des amis ? La famille ? Etait-ce préparé, improvisé ? Peu importe, on est spectateurs de la célébration profondément humaine d’un groupe qui avait peut-être l’habitude de danser, qui s’aiment, le montre et nous invite. A ce moment-là, on est loin des institutions (l’église ou l’éducation nationale). On est surtout loin de tous ces débats débiles qui ont suivi la mort d’Agnès Lassalle. Pourquoi est-elle morte, qui est responsable ? Tous les poncifs éculés, rabâchés, délavés par la machine à infos bollorisée de près ou de loin, toutes ces interrogations déplacées sur la violence supposée intrinsèque d’une jeunesse sans repères, dans une société qui aurait abandonné l’autorité du maître par laxisme généralisé. La faute à 68, la faute aux jeux vidéo qui relativisent la violence et font perdre le sens de la réalité, la faute à la psychiatrie en ruine… bla-bla-bla etc.