Paris, le samedi 4 février 2023
Dans le cadre du projet gouvernemental de réforme des retraites qui prévoit le recul de l’âge de départ à 64 ans, un départ anticipé à 62 ans pourrait être possible pour les métiers « à risque », qui reposerait sur une visite médicale obligatoire et systématique auprès du médecin du travail à l’âge de 61 ans.
Des réformes, encore des réformes
La médecine du travail a un rôle exclusivement de prévention et non de soins, les Services de Prévention et de Santé au Travail (SPSTI) ayant pour mission principale, aux termes de l'article L. 4622-2 du code du travail, « d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail » et de « préserver un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi. » Depuis la fin des années 90, les missions confiées aux médecins du travail et à l’équipe pluridisciplinaire ultérieurement créée n’ont fait qu’évoluer afin de s’adapter à l’amélioration générale de la santé des français, à la complexité croissante des relations entre travail et santé mais aussi à la démographie en berne de la spécialité. Ainsi, les réformes, lois, décrets et autres circulaires se sont succédés depuis 2002 jusqu’à la loi du 2 août 2021 entrée en vigueur le 31 mars 2022. Celle-ci a, entre autres, introduit une nouvelle visite médicale obligatoire afin de détecter le risque de désinsertion professionnelle, la visite de mi-carrière, qui intervient pour tous les salariés à l'âge de 45 ans. Alors que les SPSTI étaient déjà engorgés, cette mission supplémentaire avait été accueillie avec scepticisme par les acteurs du secteur.
Vous avez dit pénibilité ?
La pénibilité n’est pas une notion simple à définir. Dérivé du mot peine, ce mot décrit la condition créée par le caractère éprouvant d’un travail. L’art D4161-1 et suivants du Code du Travail définit la pénibilité au travail comme l'exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Depuis 2010, au titre de son obligation générale de sécurité, l’employeur doit prévenir les risques professionnels, parmi lesquels les facteurs de pénibilité. Le « dispositif pénibilité », dispositif de prévention, de traçabilité et de compensation des expositions à certains risques professionnels, a depuis connu moults remaniements jusqu’à l’actuel compte professionnel de prévention (C2P). Les expositions au-delà de certains seuils après application des mesures de protection collective et individuelle font l’objet d’une déclaration dématérialisée par l’employeur afin d’alimenter ce compte. Si la pénibilité comporte une dimension individuelle et subjective, la détermination complexe de seuils a été nécessaire pour les 6 facteurs retenus (au lieu de 10 initialement, la manutention, les postures pénibles et vibrations, les agents chimiques dangereux ayant été supprimés car jugés difficiles à contrôler). Il s’agit des activités exercées en milieu hyperbare (≥ 1 200 hPa au moins 60 fois /an), exposées aux températures extrêmes (≥ 900 heures /an à ≤5°C ou ≥30°C), exposées au bruit (exposition quotidienne à un bruit d’au moins 81 décibels pour une période de référence de 8 heures, ≥600 heures/an), et aussi le travail de nuit ≥120 nuits/an, le travail en équipes successives alternantes en 5x8 ou 3x8 ≥50 nuits /an et le travail répétitif (≥15 actions techniques pour un temps de cycle de moins de 30 secondes)…. L’exposition à un ou plusieurs facteurs de risque permet d’acquérir 4 à 8 points /an, majorés pour les salariés nés avant 1956 (8 à 16 points), plafonnés à 100 points sur toute la carrière, qui pourront servir soit à accéder à une formation afin de prétendre à des postes moins exposés (obligatoire pour les 20 premiers points), soit à bénéficier d’un temps partiel sans perte de salaire, soit à valider des trimestres permettant de partir plus tôt à la retraite (au mieux 2 ans). Bref, c’est un dispositif complexe reposant sur la déclaration de l’employeur qui s’appuie sur son évaluation des risques professionnels pour laquelle il peut se faire conseiller par le SPSTI.