Par Solenn de Royer Publié le 2 octobre 2022
A 101 ans, le théoricien de la complexité revient sur un siècle de vie, traversé par la guerre et la résistance, le communisme, la fraternité et l’amour, la recherche et l’écriture, mais aussi la mort, vécue enfant, d’une mère infiniment aimée.
Le sociologue et philosophe, Edgar Morin, directeur de recherche émérite au CNRS et docteur honoris causa dans de nombreuses universités de par le monde, vient de publier Réveillons-nous (Denoël, 80 pages, 12 euros). A 101 ans, le théoricien de la complexité revient sur un siècle de vie, traversé par la guerre et la résistance, le communisme, la fraternité et l’amour, la recherche et l’écriture, mais aussi la mort, vécue enfant, d’une mère infiniment aimée.
Je ne serais pas arrivé là si…
… ma mère, que j’adorais, n’était pas morte quand j’avais 10 ans. Son cœur s’est arrêté dans un train qui arrivait gare Saint-Lazare et on ne m’a rien dit. Mon oncle Joseph est venu me chercher à l’école en expliquant que mes parents étaient partis en cure. Le jour de l’enterrement, mon père est venu me voir, entièrement vêtu de noir. Quand je l’ai vu, j’ai compris. Il m’a répété que ma mère était partie en voyage. Je savais que c’était des mensonges et m’enfermais dans les cabinets pour pleurer. Puis, ma tante Corine, la sœur de ma mère, m’a dit : « A partir de maintenant, c’est moi ta maman. » Ce qui m’a semblé une usurpation. J’ai vécu non seulement la mort de ma mère, mais aussi la rupture avec des êtres que j’aimais, mon père et ma tante. C’était la solitude absolue.