17/06/2022
Il y a presque un siècle, après plusieurs décennies de réflexions théoriques et d’expérimentations, la physique quantique, construite par une dizaine de physiciens de génie, dont Einstein, était formalisée par Werner Heisenberg, avec son principe d’incertitude, et Erwin Schrödinger, découvreur de la fonction d’onde. Il fallut cependant attendre les expériences décisives d’Alain Aspect, à l’Institut d’optique d’Orsay, en 1982, puis d’Antoine Suarez, à l’Université de Genève, en 2001, pour que soit définitivement établie la nature irréductiblement quantique de l’infiniment petit, caractérisée par une corrélation fondamentale des particules, non seulement spatiale, mais aussi temporelle, ce qui signifie concrètement que, lorsque deux photons sont intriqués, toute action sur l’un agit instantanément sur l’autre et qu’il devient en outre impossible de déterminer la succession des événements concernant ces photons, comme si le temps cessait d’exister pour ces particules….
Un siècle avant la naissance de la mécanique quantique, avec Max Planck, le grand scientifique anglais Thomas Young, dans une expérience demeurée célèbre, avait eu l’idée, en 1801, de faire passer un faisceau de lumière à travers deux fentes parallèles, et de le projeter sur un écran. Il observa alors que la lumière, en se diffractant au passage des fentes, produisait sur l'écran des franges d'interférence, c'est-à-dire une alternance de bandes éclairées et non-éclairées. C’est ainsi que Young pu émettre l’hypothèse de la nature ondulatoire de la lumière.
Au début du XXème siècle, l’expérience de Young fut raffinée et répétée avec de nombreuses familles de particules (électron, photon, neutron), ce qui permit de confirmer la nature fondamentalement duale de ces particules, qui se comportent bien comme des ondes, tant qu’on ne les mesure pas, mais redeviennent immanquablement des particules ponctuelles, dès lors qu’on essaye de les mesurer. Mais, jusqu’à présent, les physiciens avaient dû se contenter de calculs statistiques, sur un grand nombre de particules, pour vérifier cette dualité, en observant la probabilité de voir ces particules passer par une fente, plutôt que par l’autre. Cette limitation a sauté il y a quelques semaines, avec une expérience que l’on croyait impossible à réaliser, mais qu’ont pourtant réussie des physiciens de l’Université de Vienne (Voir APS).
« Nous ne pouvions plus nous satisfaire d’expliquer le comportement des particules individuelles, uniquement sur la base de résultats qui ne deviennent visibles que grâce à l’étude statistique de nombreuses particules. Nous avons donc réfléchi à la manière dont le phénomène d’interférence bidirectionnelle peut être prouvé sur la base de la détection d’une seule particule » souligne Holger Hofmann, l’un des chercheurs qui a imaginé cette superbe expérience. Celle-ci a utilisé des neutrons de la source de neutrons de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble : Les neutrons sont projetés sur un cristal qui divise l’onde quantique du neutron en deux ondes partielles, selon le même principe que l’expérience classique de la double fente. Ces deux ondes partielles de neutrons vont alors se déplacent le long de deux chemins différents, avant de se recombiner à nouveau et d’être mesurées.
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