Turn on, tune in, drop out… Voici l’un des mantras de la contreculture américaine des années 1960, popularisé par le chantre de l’usage des psychédéliques — et du LSD en particulier — Timothy Leary : un appel à se détacher des conventions et des hiérarchies et à épouser le changement culturel à venir. À l’image des soixante-huitards spécialistes du retournement de chemise, fort est de constater que ces idéaux se sont écrasés comme des oiseaux contre les vitres clinquantes des gratte-ciels du néolibéralisme des années 1980, où le punch à l’acide a été remplacé par la cocaïne, et les idéaux hippies par les ravages de la guerre contre la drogue amorcée par Reagan. Pourtant, l’intérêt pour les psychédéliques connaît de nos jours un fort regain d’intérêt.
Et si l’expérimentation avec les drogues a toujours été plutôt associée à la jeunesse, fort est de constater que nos seniors d’aujourd’hui sont, pour une bonne partie, ces baby-boomers dont une partie expérimentait justement avec les psychédéliques, l’amour-libre, et tous les idéaux qui les accompagnaient. Alors, à une période où les intérêts de ces drogues, tant thérapeutiques que pour le développement personnel, sont de nouveaux investigués par les scientifiques — et pour la première fois depuis leur interdiction dans les années 1960 avec des subventions publiques et donc la bénédiction des gouvernements qui les avaient si vivement combattus — les seniors renouent-ils avec l’esprit contre-culturel des années 1960 ? Et quels sont les potentiels bénéfices de la consommation de psychédélique pour eux ?
Qui consomme des drogues psychédéliques ?
S’il existe un regain d’intérêt certain à leur égard, il faut tout de même garder à l’esprit que seule une infime partie de la population expérimente les psychédéliques. En 2014, seuls 4,8 % des 18-64 ans avaient déjà consommé des champignons hallucinogènes (la substance psychédélique la plus commune) et 2,6 % du LSD.
Surtout, l’un des aspects les plus flagrants de la consommation de psychédélique de nos jours est que celle-ci n’a finalement plus rien de contre-culturel. Au contraire, elle a été en substance adoptée par la culture dominante, qui ne cesse de vanter ses mérites en des termes productivistes. Tandis qu’on cherchait à refondre le système à l’aide de ces drogues il y a un demi-siècle, on les voit désormais comme un moyen de le rendre plus efficace ! Les start-ups de la tech de la Silicon Valley sont ainsi les plus grands apologues du microdosage, cette pratique qui consiste à consommer quotidiennement des doses infimes de psychédéliques, d’une manière trop faible pour en ressentir les effets psychotropes, mais supposée booster la créativité et la motivation — une consommation en sous-cutané, pour ainsi dire. Il ne s’agit donc guère de renouer avec les grandes heures de la contre-culture et de ses idéaux collectivistes. Au contraire, la logique ici est plutôt individualiste — ce qui n’a rien de nécessairement négatif, notamment dans un cadre thérapeutique, nous allons y venir.