"Tu ne voleras point". L’injonction est forte mais la tentation est grande. Qui sont les voleurs et pourquoi volent-ils ? Par nécessité, par envie, par rébellion, "la propriété c’est le vol". Pour la beauté du geste, le goût du risque ou le frisson. De Robin des bois à Arsène Lupin, de Cartouche à Georges Randal en passant par Alexandre Marius Jacob, les figures hautes en couleur ne manquent pas. Voleurs occasionnels ou professionnels, pickpockets aux doigts agiles, kleptomanes, ou cambrioleurs, quels sont leurs discours, leurs éthiques et leurs tactiques ? Que ressentent-ils avant, pendant et après leur passage à l’acte ?
«Je ne suis pas un criminel.» Marius (1) vient de Roumanie et habite depuis deux ans dans une maison près de Poitiers avec sa femme et ses quatre enfants. Il travaille dans la mécanique. Il n’a jamais fait de prison. Pourtant, cela fait sept jours qu’il dort enfermé dans les sous-sols de l’hôtel de police de Bordeaux, avec treize autres retenus. En situation irrégulière, il risque l’expulsion.
Au rez-de-chaussée, la vie du commissariat bordelais suit son cours. Il faut emprunter une porte blindée, d’interminables couloirs et des escaliers exigus pour se rendre dans les profondeurs du bâtiment, vers le plus petit centre de rétention administrative (CRA) de France. C’est dans ce lieu de privation de liberté, sorte de zone grise avant une décision de justice, que Libération est entré en mai, au début de son enquête. Des migrants y sont retenus, jusqu’à quatre-vingt-dix jours, car ils n’ont pas de papiers.