C’est l’histoire de deux jumeaux. Elle est relatée dans un article publié en décembre 2020 dans Biomedica, revue de l’Institut national de la santé colombien.
Tout commence par la demande d’un test de paternité concernant des jumeaux de sexe masculin. Il s’agit de déterminer, en utilisant toute une série de marqueurs ADN, s’ils ont le même père. Tous les deux étaient nés à terme, après 35 semaines de grossesse. Le premier pesait 1,7 kg, le second 2,3 kg. Le test de paternité a été réalisé avec le consentement du père supposé et de la mère.
Des échantillons de sang ont été prélevés chez ces quatre personnes afin que l’ADN soit extrait et qu’une analyse génétique soit réalisée. Celle-ci a consisté à rechercher quinze marqueurs présents sur les chromosomes non sexuels, ce que l’on appelle des microsatellites, à savoir des séquences courtes d’ADN répétées en tandem (STR, short tandem repeat). L’analyse a été confirmée par l’utilisation de seize autres séquences STR. Enfin, une recherche de dix-sept marqueurs STR présents sur le chromosome sexuel Y a été réalisée. Ces marqueurs présents sur le chromosome Y sont forcément transmis par le père.
Des incohérences ont été observées entre les marqueurs ADN du père et ceux du premier jumeau, en l’occurrence quatorze marqueurs sur le chromosome Y et quatorze marqueurs autosomiques, c’est-à-dire présents sur des chromosomes non sexuels (autosomes). À l’inverse, les résultats du test génétique de paternité ont indiqué que le père supposé et le second jumeau partageaient vingt et un marqueurs autosomiques et dix-sept marqueurs du chromosome Y.
Dans la mesure où il n’y avait aucun doute sur l’identité de la mère biologique, il en a donc été conclu que les deux jumeaux avaient des pères différents, les analyses génétiques ayant permis d’établir que le père supposé était bien le père biologique du premier jumeau mais d’exclure qu’il puisse être celui du second jumeau.
Donner naissance à des jumeaux nés de pères différents est un événement rare. Il s’agit de ce que les spécialistes en biologie de la reproduction appellent une « superfécondation hétéropaternelle », phénomène au cours duquel un second ovocyte est expulsé lors d’un même cycle menstruel. Si pendant ce laps de temps une femme a des rapports sexuels avec deux hommes différents, il est possible qu’un spermatozoïde provenant de chaque partenaire sexuel féconde un ovocyte, avec pour conséquence une grossesse gémellaire. Cela est possible car les gamètes mâles peuvent survivre jusqu’à cinq jours dans les voies génitales féminines. Dans ce cas, les jumeaux dizygotes proviennent donc de deux ovocytes fécondés par des spermatozoïdes ne provenant pas du même géniteur.