© Ariane Nicolas
« Le corona est un putain d’énorme mensonge. » En allant acheter ma cinquantaine de masques à la pharmacie, dans le Xe arrondissement de Paris, mon regard a été saisi par cette inscription, taguée en lettres rouges (et en anglais !) sur une tente destinée à pratiquer des test anti-Covid. J’ai d’abord été amusée de la rencontre entre ce tag complotiste (n’ayons pas peur des mots) et l’enseigne clignotante de la pharmacie : l’indignation serait-elle un remède thérapeutique ? Puis je me suis demandé quel type de message la personne essayait de faire passer. Fallait-il le prendre au premier degré et m’interroger sincèrement sur la véracité de la pandémie ? Ou bien ce cri d’alarme était-il plutôt l’expression – maladroite, sinon risible – d’une colère venant de plus loin ?
D’habitude, je ne me sens pas agressée par les tags à caractère politique.Ils font partie du paysage, au même titre que les tracts ou les affiches. Celui-ci m’a donc étrangement heurtée. Et à la réflexion, il me semble que c’est justement le résultat recherché par le tagueur ou la tagueuse : faire violence aux passants, l’espace de quelques secondes. Ce tag m’a ainsi fait penser au livre Du Mensonge à la violence (1972), dans lequel Hannah Arendt analyse comment les « falsifications » des gouvernants peuvent mener à la violence des gouvernés. Or, je veux bien reconnaître que l’exécutif n’a pas toujours été des plus transparents dans la gestion de la crise… Mais n’y a-t-il pas un paradoxe, de la part du tagueur, à dénoncer un éventuel mensonge politique en ayant recours à un autre mensonge ? Pourquoi en faire une arme ?