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Capture d’écran du clip de la chanson Bande organisée sur YouTube. Clip réalisé par William Thomas.
En bande organisée a été le tube entêtant de cet été si particulier, passé à arpenter les rues des plus ou moins grandes villes de France – et notamment celles de Marseille, ses calanques, son Vieux-Port –, qui ont connu une fréquentation particulièrement haute cette saison. Et c’est Marseille qui est mise à l’honneur dans le morceau réunissant huit rappeurs de la cité phocéenne à l’initiative du chanteur Jul. Entre son casting de choc pour les aficionados, ses enchaînements frénétiques de vers et des rimes en ping-pong, le single était une réussite commerciale annoncée. Mais la clé de son succès semble toutefois moins musicale qu’existentielle. Si ce morceau soulève les foules, c’est qu’il exprime ce qu’il y a de grisant dans l’expérience du groupe tout en exaltant un motif populaire classique : la fierté de l’enracinement. Ces deux traits – l’empreinte d’un groupe sur un territoire qu’il s’approprie en le parcourant – sont au cœur de la pensée élaborée par le philosophe Baptiste Morizot lors de ses expéditions sur la trace des loups. L’occasion d’un pistage croisé entre sa pensée et la chanson de l’été.
La bande, un être à part entière
« Un message expansif, démonstratif, presque m’as-tu-vu, très détendu, roulant des mécaniques », voici, pour le philosophe Baptiste Morizot, maître de conférences à Aix-en-Provence et auteur de l’essai Manières d’être vivant. Enquête sur la vie à travers nous (Actes Sud, 2020), ce que véhicule la bande, cette forme d’organisation sociale partagée entre plusieurs espèces. La bande est à la fois dissolution de l’individu dans le groupe – un groupe « métamorphique », comme auréolé d’une existence propre mais pourtant sans corporéité – et extension du même individu dans et par le groupe. La bande est un être hybride, protecteur et menaçant : « Du dedans, on est plus fort, analyse-t-il, du dehors, une bande fait peur […], elle est plus bruyante. » Cette défiance affirmée explique alors l’efficacité du refrain des huit chanteurs, qui scandent – en chœur, comme le hurlement des loups à la tombée de la nuit : « En bande organisée, personne ne peut nous canaliser. »