par Sonia Kronlund
Dans le huis clos des foyers de l’Aide sociale à l’enfance, le confinement est une épreuve durement ressentie. Enfants placés et éducateurs racontent le poids du quotidien et les tensions intimes et collectives.
Nadia est haïtienne, et elle est venue avec sa famille en France après le tremblement de terre. Elle ne trouve pas sa place dans la fratrie et elle est recueillie par une maison d'enfance vers Paris. Elle n'a plus aucun contact avec ses parents.
On est plus susceptibles de faire des crises pendant ce confinement. Un jeune en a étranglé un autre, l'éducatrice a dû le taper à coups de balai pour qu'il ne le tue pas. Un autre éducateur s'est pris une chaise et s'est ouvert l'arcade. On a dû intervenir, nous, les adolescents.On est pas dans un foyer pour vivre des situations pires que celles qu'on vivait à la maison.
Arthur est éducateur en Bourgogne-Franche-Comté. Il accompagne des jeunes placés en foyer mais aussi des jeunes qui restent chez leurs parents, ou encore des jeunes plus autonomes qui bénéficient d'un studio.
Les jeunes en studio, on passe les voir habituellement plusieurs fois par semaine. Là, ils se retrouvent seuls dans 15 m2 avec peu de ressources pour s'occuper. Souvent, ils n'ont ni télé, ni Wifi. Certains ont réussi à avoir un code Wifi grâce aux voisins.L'enfermement peut aussi les ramener à des événements traumatiques qu'ils ont vécus dans leur enfance. Beaucoup ont perdu la notion du temps ; dormant le jour et vivant la nuit.
Marie, dix-sept ans, a été placée dans un studio en novembre 2017 sur Aras, suite à des violences familiales.
La première semaine je suis tombée malade. J'avais du mal à respirer et j'avais des montées de fièvre. C'était angoissant de rester seule.Les plus petits le vivent très mal de ne plus pouvoir voir leur famille. Mon studio donne sur leur cour en bitume. Et je les vois souvent pleurer.