"On a tenu bon et on n'a perdu aucune patient de vue", souffle Pedro Serra, responsable d'une unité psychiatrique en région parisienne, à l'issue d'un confinement redoutable entre absence de moyens, patients touchés par le Covid-19 et la privation de visites et sorties pour tous les hospitalisés
Dans cette petite unité de ville, à Bondy (Seine-Saint-Denis), vingt patients sont restés enfermés, alors qu'ils sont habitués pour la plupart à entrer et sortir librement. Ce sont des patients au long cours ou des personnes en crise qui font des séjours plus courts.
A partir de la mi-mars, ils n'ont plus eu de contacts avec leurs familles, sauf au téléphone, "une souffrance pour beaucoup". Il a fallu changer les habitudes, "nous sommes devenus un service beaucoup plus disciplinaire", raconte à l'AFP le Dr Serra. "Les malades sont habitués à toucher les soignants et le personnel peut parfois prendre un patient dans les bras. Ces contacts ont été bannis. Il a fallu expliquer, répéter, surveiller".
130 patients ont été pris en charge cette semaine, contre 139 la semaine passée, au centre Coville 49 de Cholet. Une légère baisse, même si 18 personnes atteintes du Covid-19 ou suspectées de l’être sont toujours hospitalisées. « Quatre sont en réanimation, quatorze en hospitalisation conventionnelle », précise la direction.
Le centre hospitalier annonce reprendre, dès le 11 mai, ses « activités de consultation ou d’hospitalisation de jour qui avaient été interrompues, afin de répondre aux besoins de santé les plus urgents, en fonction de la gravité de la maladie ».
Le Dr Alain Mercuel, chef du pôle « Psychiatrie-Précarité » de Paris, coordonne les cinq équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP) parisiennes qui ont pour mission d'aller vers les personnes en très grande précarité souffrant de troubles psychiatriques.
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LE QUOTIDIEN : Comment avez-vous adapté votre organisation pour répondre aux problématiques soulevées par la crise sanitaire chez les précaires ?
DR MERCUEL : Nous sommes moins nombreux, mais nous continuons d'aller sur le terrain. La moitié de nos soignants a été redéployée dans les services où du personnel était malade, ou dans les unités Covid + en psychiatrie. Cette tendance à confondre équipes mobiles et « mobilisables », comme si nous étions une variable d'ajustement, est d'ailleurs préjudiciable.
Si plusieurs mois de recul seront certainement nécessaires pour mesurer l’impact du confinement et de la crise épidémique actuelle sur la santé mentale, plusieurs enquêtes permettent d’entrevoir l’état psychique de la population.
Depuis le début du confinement, Santé publique France (SPF) a mis en place un dispositif d’enquête en ligne, avec l’institut de sondage BVA, auprès d’un échantillon de 2000 personnes. Mené en plusieurs vagues, dont les premières se sont déroulées du 23 au 25 mars et de 30 mars au 1er avril, ce travail avait déjà révélé que plus d’un quart (27 %) des répondants avait ressenti un état d’anxiété, soit un taux deux fois supérieur à celui observé avant la crise (13,5 % en 2017, selon le Baromètre de SPF à paraître).
Dans "Grand bien Vous Fasse", le professeur Jean-Victor Blanc explique que, si le cinéma est un très bon support pour traduire une certaine réalité du quotidien des personnes atteintes de troubles mentaux ou psychiques, il continue toutefois à nourrir de nombreux préjugés sur la schizophrénie ou encore la bipolarité.
La pop-culture peut nous aider à nous interroger sur la manière dont les troubles psychiques sont encore perçus dans l'imaginaire collectif, que cela soit la personnalité borderline, les troubles obsessionnels compulsifs ou encore la schizophrénie. Pensez à Joker, Vol au dessus d'un Nid de Coucou, Rain Man, Split, Shining ou encore Black Swan.
"La fiction privilégie toujours les phases de délires irréalistes"
Alors que les troubles psychiques sont très fréquents et touchent une personne sur quatre (selon l'OMS), le médecin-psychiatre, Jean-Victor Blanc, intervient fréquemment auprès des patients et du public pour tenter d'améliorer la représentation, la compréhension de ces troubles en donnant quelques clés pour mieux apprendre à décoder les préjugés et stéréotypes cinématographiques.
Le SARS-CoV-2 qui circule majoritairement en Europe pourrait être plus virulent que les souches que l'on retrouve dans d'autres régions, la faute à une mutation particulière décrite dans une étude anglo-américaine diffusée sur le site de prépublication biorxiv.
Depuis le début de la pandémie, l'infection des cellules humaines par le SARS-CoV-2 a été rendue possible, puis perfectionnée, par plusieurs mutations des gènes codant pour les sous-unités de la protéine Spike. « Cette situation est analogue à ce que l'on observe avec les virus influenza responsables de la grippe au sein desquels des mutations s'accumulent dans les gènes codant pour l'hémagglutinine », précisent les auteurs.
. Chez l’homme, un isolement social aigu provoque une réponse de craving (envie/motivation) à la vue d’une image évoquant des interactions sociales habituellement privilégiées.
. Le même phénomène est observé en réponse à une stimulation visuelle évoquant de la nourriture après un jeûne.
. Ces réponses de craving peuvent être mesurées en IRM fonctionnelle.
. Elles se sont révélées similaires après une période d’isolement et après une période de jeûne, et ont été corrélées avec les déclarations des participants.
. Les interactions sociales représentent un besoin élémentaire chez l’homme et l’on sait que l’isolement social chronique et la solitude ont un impact sur la santé physique et mentale. Mais qu’en est-il d’un isolement obligatoire de plus courte durée comme nous l’impose aujourd’hui le confinement ? Il a été montré que des signaux d’interaction sociale positifs, les sourires par exemple, tout comme le fait de vouloir/d’avoir envie de (craving) nourriture ou de drogue en cas d’addiction, activent les neurones dopaminergiques du système de récompense. Cependant, l’activité de cette région cérébrale associée à une privation de relations sociales a été peu étudiée. Des chercheurs de Cambridge ont émis l’hypothèse que l’isolement social pourrait entraîner une motivation à retrouver du lien social du même ordre de grandeur que le manque de nourriture en déclenche la recherche.
"Ce qui me frappe dans l’expérience des apnéistes, c’est l’abandon et du détachement. Jean-Marc Barr évoque même l’insignifiance de nos vies" Yves Vaillancourt...
Le journaliste et écrivain Jean-Paul Mari suit au jour le jour le combat d’une équipe médicale dans un hôpital d’Ile-de-France.
36e épisode, le 6 mai
«Il faut renvoyer les enfants à l’école le plus vite possible»
Il y a le monde de l’hôpital et celui du dehors. En ce moment, le monde du dehors bruit d’un roulement de tambour rythmé par un seul mot, «école» et de suppliques angoissées, lancées par des élus, des syndicats d’enseignants et des parents d’élèves qui appellent au mieux à la prudence, voire annoncent l’apocalypse. Dans le monde du silence de l’hôpital, on lève un œil étonné, mais compréhensif, comme devant un patient certes malade, mais un peu agité.
L’école, ici, ne fait peur à personne. Ce qui inquiète, c’est l’état des enfants du département, population misérable et en perdition, des familles entières entassées dans 20 mètres carrés où personne n’est capable d’assurer le moindre enseignement. Et tous ces gosses, privés de cantine, souvent le seul vrai repas de la journée, qui souffrent de la faim, à deux pas du centre de Paris. «Pour eux, le confinement n’est plus tenable», dit le docteur David (1), qui reçoit leurs appels. Rien à voir avec les autres, confinés dans leur résidence secondaire en province, parents en télétravail et après-midi dans le jardin. Le peuple et les bobos ? Oui, mais, le risque sanitaire ? «Il faut renvoyer les enfants à l’école le plus vite possible», tranche le docteur Franck. «J’ai deux enfants, 7 et 10 ans, dit une femme médecin. Ils vont reprendre l’école.» On sait maintenant que la contamination se fait surtout des adultes vers les enfants, pas le contraire. Le Covid des petits est bénin, peu symptomatique, avec une mortalité quasi-nulle de 0,1 %.
Quant au cauchemar du syndrome de Kawasaki, lié au Covid, myocardite, œdèmes et langue en feu… «une affaire énorme dans les médias, mais un fait mineur», note le docteur Pierre, «environ 60 cas dans toute l’Europe. Aucun décès. Bien soigné, aucune séquelle». Et la peur des enseignants qui crient qu’on les envoie à l’abattoir ? «Entre un instituteur de 25 ans, qui ne risque pas grand-chose et un professeur de 60 ans, obèse, hypertendu et diabétique, le tableau est radicalement différent, rappelle le docteur Franck, comme avec toute personne à risques, il faudra les tenir loin des écoliers.» Quand on évoque les préavis de grève déposés par certains enseignants pour le 11 mai, les blouses blanches haussent les épaules et parlent de… «faiblesse». Eux ont pris des risques face à un virus inconnu.
Aujourd’hui, ils savent qui est en danger et qui ne l’est pas. Et quels sont les gestes barrières simples et efficaces. En Allemagne, au Danemark, en Suède, les écoles sont ouvertes, «et il n’y a pas eu d’accident sanitaire», note le docteur Franck. A terme, il préconise une vaste enquête sérologique au résultat inscrit sur le carnet de santé des enfants, qui permettra d’établir les risques de transmission du virus. Pour l’heure, «il faut rouvrir les écoles. Le danger sanitaire est minime. Et les bénéfices majeurs.»
Histoire |En 2019, 41% de la population française se déclarait méfiante à l’égard des vaccins contre 17% dans le reste des pays européens. Ici, le discours "antivax" n'est donc ni anecdotique ni résiduel et les arguments qui le composent semblent être les mêmes depuis la fin du XVIIIe siècle. Comment expliquer que, dans le pays de Louis Pasteur pourtant érigé en héros républicain, la défiance envers la vaccination reste aussi prégnante ? Xavier Mauduit, producteur de l'émission Le Cours de l'histoire, a posé la question à l'historien Laurent-Henri Vignaud.
Selon un sondage IFOP réalisé à la fin du mois de mars 2020, 26% des Français refuseraient le vaccin contre le Covid-19 s'il existait. Cette méfiance française à l'égard de la vaccination semble découler d'un manque de confiance envers certains choix politiques et d'une méfiance envers les laboratoires pharmaceutiques, accusés de faire primer le profit économique sur la santé des populations. Si cet argument irrigue le discours antivax actuel, il n'est pourtant pas la seule cause d'une hostilité qui semble particulièrement marquée en France.
Pour l'historien Laurent-Henri Vignaud, quatre grands fils argumentaires composent, depuis la fin du XVIIIe siècle, le discours antivax : l'argument religieux, l'argument naturaliste, l'argument para-scientifique et, enfin, l'argument politique. Si ces différents discours résistent aux implacables démonstrations scientifiques en faveur de la vaccination, c'est bien parce qu'ils s'adaptent à chaque époque et à chaque contexte, et ne disparaissent jamais tout à fait. Pourquoi ces discours antivax ont-ils la vie aussi dure, et comment continuent-ils de se transmettre au détriment des discours médicaux ?
Pour faire le point, Xavier Mauduit, producteur de l'émission "Le Cours de l'histoire", s'entretient avec Laurent-Henri Vignaud, historien, maître de conférences d’histoire moderne à l’université de Bourgogne, et co-auteur avec Françoise Salvadori d'ANTIVAX. La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours, paru en janvier 2019 aux éditions Vendémiaire.
C'est officiel, le déconfinement débutera bien ce lundi 11 mai sur l'ensemble du territoire métropolitain, a annoncé ce jeudi 7 mai le premier ministre Édouard Philippe. Cette nouvelle séquence de la crise sanitaire inédite que traverse le pays se fera cependant « doucement mais sûrement », et de façon plus stricte dans certains départements, dont les résultats sont moins bons qu'espérés.
Les psychédéliques sont des psychotropes qui agissent sur vos états de conscience. Les plus connus sont le LSD ou la psilocybine, le principe actif des champignons hallucinogènes. En lisant "Voyage aux confins de l'esprit", le livre du journaliste Michael Pollan1, j'ai découvert que ces drogues pouvaient soulager vos troubles psychologiques…
"Voyage aux confins de l'esprit" est un pavé. Un pavé captivant sur l'histoire et l'étude scientifique des psychédéliques. Son auteur révèle, preuves à l'appui, que ces substances ont des pouvoirs thérapeutiques sur divers troubles psychiques, comme la dépression, les addictions ou l'anxiété. Ces effets bénéfiques sont liés à la qualité de l'expérience spirituelle vécue au cours d'un trip : plus vous avez le sentiment de vivre une expérience mystique profonde, plus vos problèmes psychologiques s'amenuisent. Or science et spiritualité n'ont jamais fait bon ménage. Dès lors, l'étude scientifique des effets induits par les psychédéliques devient une gageure. Peu importe ! Pollan relève le défi et en fait la problématique centrale de son ouvrage. Pour résoudre son enquête, le journaliste invoque la piste des neurosciences. Mais il fait l'impasse sur les processus psychologiques. Pourtant, le bouquin transpire de références non avouées à la psychologie comportementale, support d'une thérapie de choix pour conduire les séances sous psychédéliques…
Les effets thérapeutiques des psychédéliques expliqués par les neurosciences
L'entropie de votre cerveau
A l'heure actuelle, la théorie la plus séduisante pour expliquer les effets des psychédéliques est la théorie du cerveau entropique. L'entropie renvoie à la notion d'ordre dans un système : plus l'entropie est faible, plus l'ordre est maintenu ; à l'inverse, plus grande est l'entropie, plus grand est le chaos. Classiquement, votre cerveau d'adulte est à faible entropie. Sa structure est en effet organisée en zones spécifiques et indépendantes les unes des autres qui lui permettent de maintenir un certain ordre cognitif. Bien que cette faible entropie présente un avantage adaptatif certain, elle a un revers de médaille : trop d'ordre dans la dynamique de votre cerveau peut conduire à une rigidité mentale, terreau de la plupart des psychopathologies (dans la dépression par exemple, la pensée est "bloquée" dans un biais négatif, quelles que soient les contingences de l'environnement)2.