Par Florence Aubenas Publié le 27 avril 2020
REPORTAGE Le département du Haut-Rhin, dans le sud de l’Alsace, a été l’un des principaux foyers nationaux de l’épidémie. Alors que le pire semble être derrière elle, la population tente timidement d’entrevoir « l’après ».
Sous une treille de glycine, un enfant a accroché son dessin à la fenêtre d’une ferme : des lapins qui jonglent avec des œufs de Pâques devant une pancarte « Bienvenue en Alsace, à Coronaland ». Traverser le Haut-Rhin aujourd’hui, un des départements les plus touchés par le virus, c’est voyager de ville en village au pays des drapeaux en berne et des hélicoptères sanitaires. « Ailleurs en France, ils se rendent compte que le monde a changé ? Qu’on ne vivra peut-être plus comme avant ? », demande un gendarme. Ce matin, il a eu un choc en voyant à la télé des joggeurs qui bronzaient, quelque part dans Paris.
A la mairie d’Altkirch
Ils sont à deux mètres les uns des autres, mais se dévorent des yeux par-dessus leurs masques chirurgicaux. Certains ont grossi, d’autres maigri. L’une a pris un coup de soleil au jardin, celui-là est tout pâle de ne pas avoir quitté la chambre. A la mairie d’Altkirch, les cinq membres de la cellule de crise se rencontrent pour la première fois après des semaines de réunions par ordinateur. Ils se retiennent pour ne pas sangloter. Etre à nouveau ensemble, tout simplement.
Marques de distanciation sur le trottoir devant La Poste d’Altkirch (Haut Rhin) le 25 avril. Pascal Bastien/Divergence Images pour Le Monde
La journée paraît bénie, il faut dire. En cette mi-avril, trois décès seulement ont été enregistrés en vingt-quatre heures à l’état civil, contre sept ou huit depuis le début de la crise. Au « temps d’avant », il y en avait un seul par semaine ; on n’arrive plus à réaliser.