Interné pour schizophrénie à la fin des années 50, l’Italien a gravé un hallucinant journal intime fait de mots, de signes étranges et de dessins sur les murs de la cour de l’ancien hôpital psychiatrique de Volterra, en Toscane. Un livre fait état de cet exemple atypique d’art brut, visionnaire et révolté.
Un hôpital de Toscane en ruine dont les murs partent en lambeaux… Fermé depuis plus de quarante ans, aujourd’hui plongé dans le silence et envahi par la végétation, l’hôpital psychiatrique et judiciaire de Volterra, un des plus grands asiles d’Italie installé dans un ancien couvent, a vu naître en son sein coercitif une œuvre mystérieuse qui s’efface petit à petit. La pluie, le vent, le délabrement ont peu à peu raison d’une immense et étonnante fresque. Pendant neuf ans (de 1959 à 1961 et de 1968 à 1973), le patient Fernando Oreste Nannetti a gravé son journal intime sur les murs de l’institution qui l’a tenu enfermé. Sur 70 mètres de parois, dans la cour de l’hôpital-prison qui servait de lieu de promenade aux malades, Nannetti a composé une œuvre fascinante en inscrivant sur la pierre des mots, des signes étranges et des dessins. Graffiti prodigieux et quasi cabalistique, ce journal de pierre magnétise encore aujourd’hui les professionnels de l’art et les amateurs de récits singuliers. Lucienne Peiry, ex-directrice de la Collection de l’art brut à Lausanne, publie à ce sujet le Livre de pierre. Pour éviter que l’artiste graphomane ne tombe dans l’oubli, car, dans peu de temps, il ne restera rien de ce «véritable livre à ciel ouvert», la Suissesse, historienne de l’art, lui a dédié un mince et délicat ouvrage illustré. Alors qu’elle était encore directrice de la Collection de l’art brut, elle lui a aussi consacré une rétrospective et travaille chaque année sur le sujet avec ses étudiants de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Pour la première fois, une vingtaine d’œuvres au stylo bille de Nannetti sont publiées, sauvées de la destruction par le fils d’une infirmière de l’hôpital. Nannetti aurait réalisé plus de 1 600 œuvres sur papier. La plupart sont aujourd’hui détruites.