Publié dans le magazine Books n° 21, avril 2011. Par Meghan O’Rourke.
Cela doit-il durer deux ans, quatre semaines ou toujours ? Faut-il s’isoler ou partager ? Parler avec le disparu ? Nos sociétés ont banni la mort du quotidien et supprimé bien des rituels accompagnant les suites d’un décès. Confronté à la disparition de l’être cher, l’individu semble de plus en plus désarmé. Les psychiatres ne le sont pas moins.
Ivan Kramskoï, Chagrin inconsolable
Un jour d'automne 1964, la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross travaillait au jardin, tracassée par une conférence que l’un de ses mentors, enseignant la psychiatrie à l’université du Colorado, lui avait demandé de donner. Elle devait s’exprimer devant un groupe d’étudiants en médecine, sur le thème de son choix. Kübler-Ross appréhendait de parler en public et peinait à trouver un sujet susceptible de retenir l’attention des carabins. Mais, en ratissant les feuilles d’automne, elle se mit à réfléchir à la mort : une bonne partie de ses plantes mourrait sans doute avec les premiers gels. Son propre père était décédé à l’automne, trois ans auparavant, paisible et parfaitement conscient de ce qui lui arrivait. Kübler-Ross avait trouvé son sujet. Elle parlerait de la manière dont les médecins américains – qu’elle trouvait fébriles avec les grands malades – devaient à ses yeux aborder la mort et la fin de vie.
Elle prépara une conférence en deux parties. La première explorait la perception de la mort dans différentes cultures. Pour la seconde, elle décida de faire venir en classe une patiente en fin de vie, pour discuter avec les étudiants.