GREYPRIDE
Petite chronique inattendue d'une vieillesse sans tabou
Dans la pénombre de la chambre, un rayon de soleil passe à travers les persiennes baissées. Charles, la tête légèrement en arrière, repose assis contre la tête de lit, son corps allongé nonchalamment.
Un léger sourire flotte sur son visage, paupières baissées, le corps détendu, il tient l’épaule de Gisèle. Blottie sur son torse, sa main tendue vers les cheveux de Charles, elle caresse délicatement son cou.
Madeleine est de l’autre côté, sa tête repose, les cheveux défaits, sur son ventre ; elle ne pèse pas lourd... Ils ne bougent presque pas, elle joue de ses doigts avec les rayons de soleil pour dessiner des formes changeantes sur le sol.
Du trio émane un sentiment d’apaisement, de tranquillité, de sensualité.
La pièce baignée d’une lumière dorée, ressemble à un tableau oriental dans les appartements privés d’un pacha turc. Courtisanes, légèrement vêtues, cheveux tombants, dans la torpeur d’une journée d’été.
Embellis par cette ambiance, je ne vois plus leurs corps disloqués par la vieillesse, leurs vêtements mal enfilés et usés par le temps. Non, ce que je ressens n’est que calme, douceur et beauté.
Je referme lentement la porte qui était restée entre-ouverte ; je me sens un peu coupable de ce regard indiscret sur ce tableau d’une rare intimité.
La transition est brutale, de l’orient je passe à l’ambiance aseptisée de ces couloirs aux couleurs fades. Lumière artificielle, linos brillants gris clair, qui me rappellent à la réalité de mon travail.
Je me presse, cet arrêt improvisé m’a mise en retard. Nous sommes une poignée d’aides soignantes à connaître les aventures de Charles et à couvrir les allées et venues dans sa chambre, la numéro 8. Il faut rester discret, les familles n’apprécieraient sans doute pas.
Quand on parle du diable... j’aperçois dans le hall d’accueil la fille de Monsieur Charles accompagnée d’un jeune adolescent.