Fin janvier 1939, des milliers de réfugiés espagnols ont fui le régime de Franco pour la France. Enfermés dans des camps par le gouvernement, ils ont connu le froid, la faim et la peur. Antonio de la Fuente, âgé de 9 ans, était l’un d’entre eux.
«Les enfants, nous sommes républicains, avant tout républicains.» La maxime de son grand-père résonne encore aux oreilles d’Antonio de la Fuente. Celle-ci a influencé l’histoire de sa vie, qu’il raconte à 89 ans avec pudeur et méthode. L’histoire, longtemps oubliée, d’un exil et d’un enfermement.
Antonio a 9 ans quand son existence bascule. Depuis deux ans et demi, la guerre civile fait rage en Espagne, où il est né. Le 26 janvier 1939, la ville de Barcelone tombe aux mains des troupes du général Franco. La République, instaurée légalement en 1931, est en déroute. Deux jours plus tard, la frontière française est ouverte aux civils, puis aux soldats républicains le 5 février. En quelques semaines, un demi-million de réfugiés fuient leur pays pour la France. Un exode massif connu sous le nom de Retirada, la retraite en espagnol.
Avec sa mère, sa grand-mère, sa tante et ses quatre frères et sœurs, âgés de 5 à 17 ans, Antonio prend un train à Puigcerda, où il vit. Son père, carabinier, et son frère Paco, en âge de combattre, restent en Espagne. La famille arrive à la gare de Latour-de-Carol, dans les Pyrénées-Orientales.
Les femmes, les enfants et les vieillards sont dispersés en France, dans des centres aux conditions de vie très rudimentaires. Antonio et sa famille sont enfermés plusieurs mois au camp militaire dit «de Verdun», à Rennes. Jusqu’à la déclaration de guerre de la France, en septembre 1939. Les autorités leur annoncent alors qu’ils vont être renvoyés en Espagne.
Mais les exilés se rebellent. «A chaque ville où on passait, on criait depuis le train “España, no !” Nous nous sommes finalement retrouvés enfermés au camp de Saint-Cyprien», explique Antonio.
LES CAMPS SUR LA PLAGE
Ce camp de Saint-Cyprien, tout comme ceux d’Argelès-sur-Mer et du Barcarès, ont été créés sur les plages du Roussillon, dès les premiers jours de la Retirada, par les autorités françaises. Placés sous tutelle du ministère de la Guerre et de la Défense nationale, ils ont d’abord regroupé les hommes et soldats républicains. Dans la plus grande improvisation, des barbelés ont simplement été dressés sur le sable, dans lequel les exilés ont dû creuser des trous pour se protéger du froid. Pour le gouvernement, dépassé par le nombre de réfugiés, le maintien de l’ordre a primé sur les considérations humanitaires.