Le fils (17 ans) et la mère (52 ans) ont six doigts à chaque main. Ils présentent ce que les spécialistes appellent une polydactylie. Ils ont un doigt supplémentaire, complètement développé, situé entre le pouce et l’index. Une équipe de chercheurs internationaux a examiné les conséquences de cette anomalie sur les capacités de manipulation de ces deux personnes. Ce type d’étude n’avait jamais été mené à ce jour.
Des chercheurs internationaux se sont posé de nombreuses questions, en termes de neuromécanique et de fonctionnalité, concernant cette polydactylie. Ainsi, les mouvements du doigt surnuméraire dépendent-ils des muscles des autres doigts ou sont-ils sous le contrôle de muscles et de nerfs dédiés ? Ce doigt supplémentaire est-il indépendant des autres ? Quand il bouge, cela implique-t-il que les autres doigts bougent également ? Dans la mesure où les mouvements manuels requièrent la participation d’une vaste zone du cortex sensitif et moteur, qu’en est-il lorsqu’une personne possède un sixième doigt à chaque main ? En d’autres termes, le cerveau peut-il commander une telle main, dotée de degrés supplémentaires de liberté ? Ces doigts surnuméraires sont-ils fonctionnels ? Offrent-ils un avantage pour les capacités de manipulation ?
Les résultats de cette étude, publiée le 3 juin 2019 dans la revue en ligne Nature Communications, révèlent que des muscles, des nerfs et des ressources cérébrales dédiées sous-tendent l’augmentation des capacités de manipulation de ces sujets polydactyles.
Ce travail a été dirigé par des chercheurs de l’université de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), de l’hôpital universitaire de Lausanne (Suisse), de l’Imperial College of Science, Technology and Medicine de Londres (Royaume-Uni), en collaboration avec des spécialistes italiens, israéliens et singapouriens, en anatomie, physiologie, microchirurgie, imagerie médicale, neurosciences, bioingénierie et robotique.
Des muscles et des nerfs indépendants
Il apparaît que la main polydactyle est contrôlée par un plus grand nombre de muscles et nerfs qu’une main normale et que le doigt surnuméraire possède trois phalanges.
Sur le plan biomécanique, la force maximale exercée par le doigt supplémentaire est similaire à celle des autres doigts. Par ailleurs, celui-ci est indépendant des autres doigts, avec seulement une faible dépendance avec le pouce. Les autres doigts montrent une interdépendance normale entre eux. La capacité à mouvoir le doigt supplémentaire indépendamment des autres est notamment illustrée par le fait que ces deux sujets parviennent à exécuter des mouvements de pince entre leur sixième doigt et tous les autres.