Après avoir plongé les Etats-Unis dans une crise majeure, la dépendance aux antidouleurs dérivés de l’opium et délivrés sur ordonnance inquiète désormais les autorités sanitaires françaises, qui observent un nombre croissant de cas dans l’Hexagone. Un phénomène qui touche tous les âges et toutes les couches de la population.
Des effets antidouleurs similaires à ceux de l’opium et une puissance addictive supérieure à celle de l’héroïne. Et pourtant : tramadol, codéine ou morphine, les prescriptions de ces antalgiques opioïdes sont en augmentation constante depuis quinze ans en France. Dérivées de l’opium, ces molécules synthétiques sont certes indispensables à la prise en charge optimale de certaines douleurs aiguës et chroniques, notamment dans le traitement du cancer : puissantes et efficaces, elles activent les récepteurs morphiniques du cerveau et soulagent la douleur. Mais dans un rapport publié en février, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) fait un état des lieux de la consommation dans l’Hexagone de ce type de médicaments, à l’origine d’une crise sanitaire dévastatrice aux Etats-Unis et le clôt par un appel à la vigilance et à la surveillance, notamment du mésusage. Mal dosés, les antalgiques opioïdes peuvent entraîner une dépendance. Nathalie Richard, directrice adjointe des médicaments en neurologie à l’ANSM et auteure du rapport : «Nous avons en tête les enseignements de cette crise terrible outre-Atlantique. Nous sommes vigilants par rapport à des signaux émergents qui peuvent nous indiquer que des choses se préparent ou non. Cette surveillance n’est pas nouvelle.»
Début avril, dans la septième édition de son rapport «Drogues et addictions, données essentielles», l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) pointait pour sa part le rôle majeur joué par les opioïdes dans la mortalité des quinze dernières années en France. Les chiffres sont parlants : en l’espace de dix ans, le nombre annuel d’intoxications a doublé, si bien que l’Hexagone enregistre aujourd’hui plus d’overdoses par médicaments opioïdes que par l’usage de drogues illégales. Chaque semaine, environ cinq personnes meurent d’une overdose d’antidouleur opioïde, des suites d’une dépression respiratoire.
Nathalie Richard : «Nous avons remarqué la progression d’un signal avec une augmentation des intoxications aux antalgiques opioïdes. La particularité de ce signal est qu’il ne concerne plus uniquement la population des usagers de drogue. Il progresse dans la population en général.»