Contrairement aux idées reçues, environ quatre fois moins de personnes sont jugées pénalement irresponsables qu'il y a 30 ans. Europe 1 a enquêté sur cette évolution.
ENQUÊTE
Quand on l’a interpellé en 2016, Moussa*, 23 ans, ne se souvenait plus de rien. Quelques jours plus tôt, il venait de donner 27 coups de couteaux mortels à un parfait inconnu, père de famille de 50 ans, dans une station RER à Grigny, dans l'Essonne. La vidéosurveillance, son ADN sur le col de la victime, du sang de celle-ci sur des chaussures retrouvées à son domicile : les preuves accablent Moussa, qui s'écroule, confronté aux images. "Ça a été un choc total, un effondrement pour lui", se souvient son avocate Me Noémie Saïdi-Cottier. "Il s’est mis a pleurer en disant : 'j’ai tué quelqu’un gratuitement'." Devant la juge d’instruction, le mis en examen explique qu’à cette période-là et depuis un moment, il se sentait très mal et entendait des voix. Plusieurs proches confirment : après un séjour à l’hôpital psychiatrique, ils l’avaient même confiné dans leur appartement dont il s’est échappé le jour des faits, dans une bouffée paranoïaque. Pourtant, Moussa est, comme n’importe quel justiciable, renvoyé devant les assises pour meurtre. Son procès se tiendra en mars 2019.
"Les gens l'appellent 'le cachetonneux'". Dans ce dossier, trois expertises psychiatriques ont été ordonnées dans ce dossier, aboutissant chacune à des conclusions différentes. La première, "menée par quelqu’un présenté comme un ponte de la schizophrénie, a conclu à l’abolition totale de son discernement", détaille Me Saïdi-Cottier. "J’étais rassurée par le fait qu’il n’y aurait pas de procès parce que je ne voyais pas le sens de renvoyer quelqu’un comme lui devant une cour d’assises". Mais une deuxième expertise, qu’Europe 1 a pu consulter, est plus mesurée. Si elle confirme "des troubles psychotiques, des manifestations délirantes et hallucinatoires" ainsi qu’une "psychose schizophrénique", elle déclare son discernement "largement altéré", mais pas totalement. La dernière, censée les départager, a confirmé la dangerosité du sujet mais pas sa schizophrénie. Elle le déclare responsable pénalement, mais pas curable, seulement "stabilisable.