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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 4 mai 2018

La religion face au suicide

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  • 04 mai 2018
Le Congrès du Graap
Pendant des siècles, les Églises catholique et protestante ont violemment condamné le suicide. Eric Rutgers dont le fils s’est donné la mort témoigne de son expérience au regard des traditions chrétiennes. Une prise de parole dans le cadre du 29e Congrès du GRAAP sur le thème «Le suicide, osons en parler!»

Par Laurence Villoz
«Pour chaque suicide, cinq à dix personnes sont touchées par un deuil sévère et pourtant une chape de silence persiste sur ce sujet.» Eric et Jacqueline Rutgers ont perdu leur fils Pascal, qui s’est suicidé en automne 1982 à l’âge de 18 ans et demi. «La mort de notre fils nous a conduits à devenir des experts dans l’accompagnement des personnes endeuillées», explique Eric Rutgers, intervenant au 29e Congrès du Group d’accueil et d’action psychiatrique (GRAAP) sur la thématique «le suicide, osons en parler!»

L’univers de la psychiatrie dépeint dans une BD

 




Tout proche de Blois, se trouve la clinique psychiatrique de La Chesnaie fondée en juillet 1956. C’est là, dans cet espace, qui a développé la psychothérapie institutionnelle, qu’Aurélien Ducoudray et Jeff Pourquié se sont installés pendant une quarantaine de jours. De leur passage parmi cette « troisième population », ils ont réalisé une bande dessinée – projet initié et coédité par bd Boum – qu’ils présenteront aux lecteurs ce vendredi 4 mai à 18 h 30 à la Maison de la BD de Blois. 
“ Comme des rushs pour un reportage télé : après le tournage il y a le montage ”
« En l’espace de six mois, nous nous sommes rendus neuf à dix fois à la clinique de La Chesnaie, à raison de séjours de trois à quatre jours », rapporte Aurélien Ducoudray. Une phase d’observation indispensable pour décrire le quotidien de cet établissement « qui reçoit, pour des soins de longue durée, des patients présentant des troubles mentaux le plus souvent graves ». Ici, à 7 km de Blois, l’institution associe traitements biologiques et physiques classiques à un travail psychothérapique, individuel ou de groupe, dans un environnement stimulant.

Scherbius (et moi) d'Antoine Bello : la fiction de l'imposture

Actualitté

Laure Besnier - 04.05.2018

Antoine Bello, entre autre auteur de la trilogie des Falsificateurs, signe un savoureux retour chez Gallimard avec Scherbius (et moi). Sous sa plume acérée, parfois cocasse, un psychiatre qui rêve de gloire retrace ses tentatives de guérir Scherbius, un imposteur, chez qui il croit avoir décelé un trouble de la personnalité multiple. Entre jeu de dupes et mise en abyme, portrait de la psychiatrie et de la littérature à la fin du XXe siècle.



En 1977, Maxime Le Verrier, jeune et fringuant psychiatre, ouvre son cabinet et rencontre, dans des conditions pour le moins surprenantes, son premier client : Alexandre Scherbius. Ce dernier est un imposteur, endossant régulièrement différentes identités et exerçant différents métiers. 


Des patients rejoignent le combat contre les « Fake Médecines »

Stephane Lancelot
| 04.05.2018


Homéopathie
GARO/PHANIE

Après les soignants, des patients dénoncent à leur tour les « Fake Médecines ». Le collectif Homéoverdose, lancé il y a trois semaines et se décrivant comme « un collectif citoyen de patients moldus* qui ne croient pas à la pensée magique, et ce tout particulièrement en matière de santé », s’est récemment rallié à la lutte contre les « Fake médecines »
Un débat sans contradicteur
Cette semaine, le collectif a bondi en apprenant que la mairie du 2e arrondissement de Paris organiserait le 16 mai un débat intitulé « Médecines complémentaires : mythe ou réalité ? », auquel ne participeront que des personnalités « appartenant toutes à la même école de pensée, défendant les “thérapies” alternatives et remettant en question la médecine conventionnelle », selon lui.

Dépistage génétique : mieux vaut prédire que guérir ?

DU GRAIN À MOUDRE par Hervé Gardette
30/04/2018
40 MIN


Les examens génétiques et la médecine génomique figurent au menu des états généraux de la bioéthique dont la phase de consultation se termine aujourd'hui. Dans quel cas les tests génétiques sont-ils envisagés ? Quelles maladies est-on capable de prédire ? Que risque-t-on à vouloir trop en savoir ?

Le dépistage génétique : mieux vaut prédire que guérir?
Le dépistage génétique : mieux vaut prédire que guérir?  Crédits : LEON NEAL - AFP

Clap de fin pour la consultation des citoyens, en vue de la révision des lois de bioéthique. L’appel à contributions, lancé mi-janvier dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique, s’achève ce lundi. Mais tout reste à faire. D’abord la synthèse des discussions : un rapport sera remis au mois de juin. Puis l’écriture d’un projet de loi, à l’automne prochain, en vue de l’adoption d’un nouveau texte en 2019.
Parmi les thématiques susceptibles de faire l’objet d’un changement législatif, il y a les examens génétiques.

Psychiatrie : les dessous du soin en débat

04/05/2018


Le quotidien pour les blouses blanches, ce sont en effet ces petits soins journaliers souvent invisibles./ Photo DDM, illustration.
Le quotidien pour les blouses blanches, ce sont en effet ces petits soins journaliers souvent invisibles./ Photo DDM, illustration.
Aujourd'hui vendredi 4 mai, à 19 h 30, dans la salle communale d'Algans, l'association vauréenne Les Psy' Causent vous invite à une rencontre intitulée : «L'informel et l'inévaluable, des soins au jour le jour…». Jean-Paul Lanquetin, infirmier de secteur psychiatrique, praticien chercheur en soins infirmiers et responsable du groupe de recherche en soins infirmiers , éclairera de son expertise les débats. Être là et être avec, accompagner, sans parfois presque rien faire d'autre que d'assumer la qualité d'une présence : l'équation n'est pas simple pour les soignants.

À Mayenne. De l’asile au pôle santé mentale, un chemin sinueux

04-05-2018


Vue aérienne de l’hôpital psychiatrique de Mayenne. Aujourd’hui, une partie de ces bâtiments a été détruite, le reste est occupé par la direction.
Vue aérienne de l’hôpital psychiatrique de Mayenne. Aujourd’hui, une partie de ces bâtiments a été détruite, le reste est occupé par la direction. | dr

Érigé en 1829 sur la plaine de la Roche-Gandon, à Mayenne, l’hôpital psychiatrique a été un pionnier dans l’accueil des malades mentaux, malgré quelques mésaventures.

Avant l’hôpital… une carrière

Au XVe siècle, le lieu-dit La Roche-Gandon n’abrite qu’une carrière, située entre la rivière la Mayenne et l’actuel boulevard Paul-Lintier. On y tire de la pierre pour la fortification du « castel du lieu de Maïenne » (1). Aujourd’hui, les bureaux de l’administration du Centre hospitalier du Nord-Mayenne y demeurent.

1829, les premiers internés de la Roche-Gandon

Ils arrivent au nombre de quarante-trois sur la plaine et occupent un logis de la ferme et ses dépendances, que vient de racheter la Ville. L’établissement se nomme l’Hospice des malades. En 1838, une loi oblige les préfets à s’équiper d’un lieu d’accueil pour les « aliénés », comme on les nommait jadis. Mayenne l’a déjà. Il suffit de le faire fonctionner en tant qu’asile départemental. Chose faite en 1856. L’établissement compte alors un médecin-directeur, un économe, un aumônier, neuf religieuses de la congrégation de Notre-Dame d’Évron et 193 internés.


Des détenues brisent leurs chaînes en façonnant des poupées d’argile

Par Irène Languin   4 mai 2018

ExpositionLa galerie Anton Meier présente 150 figurines faites en prison sous l’aile de la céramiste Anouk Gressot.


Pour l’exposition, les katchinas sont répartis sur huit tables hautes permettant une circulation du public. Chaque figurine a nécessité environ 25 heures d’un travail à six ou huit mains.
Pour l’exposition, les katchinas sont répartis sur huit tables hautes permettant une circulation du public. Chaque figurine a nécessité environ 25 heures d’un travail à six ou huit mains.
Image: Roger Chappelu
On dirait une armée de guerriers célestes faisant face à leur destin. Hiératique, souverainement parée de plumes, de masques et de couleurs vives, cette légion d’argile semble ne rien redouter de l’avenir ni du passé. Elle porte l’étrange beauté des mythes et suggère quelque chose d’un radieux au-delà.
Ces 150 statuettes sont des réinterprétations, en terre, des katchinas, traditionnellement sculptés dans des racines de peuplier par les Hopis d’Arizona. Elles ont été modelées en 2015 dans l’atelier des femmes détenues de la prison de Champ-Dollon, qu’a géré «comme une petite manufacture» la céramiste genevoise Anouk Gressot durant dix-sept ans, avec la collaboration de deux surveillantes. Elles font l’objet d’une exposition étonnante à la galerie Anton Meier.

On a coupé les enfants de la nature

Ecrans, emploi du temps surchargé, peur de l’insécurité… tout retient la nouvelle génération à l’intérieur. Un constat inquiétant, tant jouer dans la nature est essentiel au développement humain.

LE MONDE IDEES  | Par 
Aujourd’hui, quatre enfants sur dix (de 3 à 10 ans) ne jouent jamais dehors pendant la semaine, selon un rapport de l’Institut de veille sanitaire.
Aujourd’hui, quatre enfants sur dix (de 3 à 10 ans) ne jouent jamais dehors pendant la semaine, selon un rapport de l’Institut de veille sanitaire. ERIC AUDRAS / ONOKY / PHOTONONSTOP
Un matin d’été, dans un centre de vacances de Montreuil (Hautes-Alpes), non loin de Grenoble, ­Caroline Guy entame un atelier de relaxation dans la nature avec un petit groupe de filles de 11 ans. Pour ­commencer, elle leur demande de se déchausser dans l’herbe. La réaction est unanime : « Quoi ? Pieds nus dans l’herbe ? Ça va pas la tête ! C’est dégoûtant. Il y a des bêtes… » Impossible. Inimaginable. Une seule ose ­finalement tenter l’expérience.
« Elle n’avait jamais marché pieds nus dans l’herbe et a trouvé ça génial, ­raconte Caroline Guy, trois ans plus tard. Dans un monde normal, on ­découvre ça dès qu’on commence à marcher, vers 1 an. » L’expérience a tant marqué cette éducatrice autodidacte que, après un passage dans des écoles classiques, elle a décidé d’ouvrir à la rentrée prochaine une école dans la forêt, dans le sud de la France, avec pour ­modèle les skovbornehaven ­danois, des maternelles où les enfants passent la majeure partie de la journée dehors.
Y a-t-il beaucoup d’enfants qui n’ont jamais touché de l’herbe ? Cela semble en passe de ­ devenir la norme. Aujourd’hui, quatre enfants sur dix (de 3 à 10 ans) ne jouent jamais dehors pendant la semaine, selon un rapport publié en 2015 par l’Institut de veille sanitaire (INVS). Et les petits Franciliens sortent encore moins. « Le jeu en plein air a été éliminé de l’emploi du temps des enfants », résume Julie Delalande, anthropologue de l’enfance.

La France n’a jamais compté autant de médecins en activité

Au 1er janvier, la France comptait 226 000 médecins en activité, soit 10 000 de plus qu’en 2012. Le nombre de spécialistes salariés a notamment bondi de 13,9 %.

LE MONDE  | Par 

Avec 226 000 médecins en activité au 1er janvier 2018, soit 10 000 de plus qu’en 2012, la France n’a jamais compté autant de praticiens actifs. Ce constat, qui peut paraître paradoxal à l’heure où de nombreux Français ont des difficultés à accéder à un généraliste, a été tiré jeudi 3 mai à l’occasion de la parution d’une étude de la Drees, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé. L’étude met en lumière les profondes mutations du mode d’exercice de la profession de médecin.

Des chercheurs du MIT ont développé « un système pour contrôler les rêves »

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Daniel Oberhaus  avr. 30 2018

Le Dormio joue sur la transition entre veille et sommeil pour guider les rêves de ses utilisateurs.

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Il existe une frontière entre la vie éveillée et les territoires inexplorés du sommeil. Nous la traversons chaque nuit, mais nous nous arrêtons rarement pour nous émerveiller devant l’étrangeté de cet espace liminal. Et si nous le faisons, nous remarquons qu’il est plein d’hallucinations merveilleuses et terrifiantes, comme un mélange intérieur de réalité et de fantasme.
Nous passons habituellement par cet état de demi-sommeil dans les minutes précédant l’endormissement. Nous faisons parfois l’expérience de micro-rêves pendant cette transition, mais leur contenu semble être aléatoire et nous n’en gardons généralement aucun souvenir au réveil. Une équipe de chercheurs dirigée par Adam Horowitz, un étudiant en master au MIT, voudrait changer cela.

Vers une Intelligence Artificielle sexuellement active ?




Paris, le samedi 5 mai 2018 – L’intelligence artificielle (IA) est le centre d’attentions croissantes. Beaucoup sont convaincus que cette nouvelle ère informatique et technologique contribuera à améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients. D’autres cependant s’interrogent sur les conséquences de cet envahissement de l’intelligence artificielle dans nos vies, notamment en ce qui concerne les rapports humains. Ainsi, des réflexions commencent-elles à émerger sur les émotions des robots et sur leurs droits. Les liens entre intelligence artificielle et sexualité sont au cœur de ce type de questionnements, comme l’illustre cette tribune de notre confrère psychiatre Alain Cohen.
Par le Dr Alain Cohen, psychiatre
« I’m a Barbie girl, in a Barbie world
Life in plastic, it’s fantastic. » (Aqua, 1997)

« Mattel a attaqué en justice le groupe, l’accusant d’avoir violé la marque de fabrique de Barbie, terni sa réputation et transformée en objet sexuel. Aqua répondit que Mattel avait imputé sa propre interprétation aux paroles de la chanson, et que MCA Records ne laisserait pas leur single à succès se faire censurer. Ironie de l’histoire, Mattel utilise depuis 2009 la rythmique de Barbie Girl pour ses publicités télé. » (Wikipédia)
Il y a longtemps que les récits de science-fiction nous ont habitués à une humanisation des robots, par exemple à des compétitions sportives se déroulant entre équipes de robots humanoïdes, ou à des rapports sexuels entre un être humain et un partenaire-robot anthropomorphe ou gynoïde, version élaborée des "poupées gonflables" et autres "sex-toys". 

Vers un proxénétisme « high-tech » ?

On peut revoir ainsi Vice (2015), le film de Brian A Miller (avec Bruce Willis et Ambyr Childers) où une femme artificielle devient consciente d’elle-même et tente d’échapper à celui qui l’exploite à des fins mercantiles auprès de clients payant pour assouvir tous leurs fantasmes avec ces êtres humanoïdes. Ce type de scénario rappelle celui du film Mondwest de Michael Crichton (1973), le futur auteur de Jurassic Park (qui s’adonnait à l’écriture de techno-thrillers et autres œuvres de science-fiction pour financer ses études de médecine) et à sa suite, le film de Richard T. Heffron, Les Rescapés du futur (1976). Mais avec la polémique actuelle [1] sur l’assimilation d’un établissement parisien à une « maison close nouvelle génération », la réalité serait-elle en train de rattraper la fiction ?
Rappel des faits : le groupe Communiste-Front de gauche au Conseil de Paris demande la fermeture d’une « maison close de poupées sexuelles » où, contre l’achat de ce service, le client peut louer du « temps de poupée X » pour se livrer aux plaisirs charnels avec celles que leurs détracteurs appellent des « prostituées de silicone ». Paradoxe : en assimilant ainsi le propriétaire des lieux à un proxénète et en brandissant à ce propos la fameuse loi Marthe Richard [2], ces élus ont surtout l’intention de défendre, bien sûr, les "vraies" femmes pouvant souffrir de toute comparaison avec lesdites poupées X. Mais à trop vouloir défendre ainsi l’image de la femme, cette stratégie risque de susciter un insidieux retour de manivelle : suggérer que la poupée X est « presque femme » (puisqu’on veut faire interdire son "exploitation" par l’application d’une loi protégeant à l’origine les vraies femmes), c’est laisser entendre, réciproquement, que la femme (biologique) rappelle aussi cette femme-artefact (au sens "fait de l’art") sexuel, associant (dès à présent ou dans un avenir proche) silicone, microprocesseurs, nanomoteurs et IA (intelligence artificielle).
En écho à Louis Aragon et à Jean Ferrat, la célèbre street-artiste Miss. Tic [2] affirme que « l’homme est le passé de la femme ».  Cette éventualité de pseudo « proxénétisme high-tech » présage-t-elle un temps où de telles "sexy dolls" (et surtout leurs descendantes ultra-réalistes truffées d’IA) seraient l’avenir de la femme ?... Consacré à l’essor ubiquitaire de la robotique, un hors-série récent du Monde propose un article sur la « révolution » de ces « poupées sexuelles [3] ».

Pablo Jensen : «Transformer le monde en chiffres, c’est une opération très subjective»

Par Erwan Cario, Recueilli par — 

Dessin Sylvie Serprix

Peut-on observer et modéliser la société humaine comme on manipule une expérience scientifique dans un laboratoire ? C’est la croyance sur laquelle s’appuie une bonne partie de l’économie mondiale et qui, pourtant, ne cesse de montrer ses limites, comme l’analyse le physicien dans son dernier essai.

    Les données, celles que nous produisons, celles qui nous évaluent, nous définissent-elles ? Les nombres en cascade qui orientent les politiques économiques reflètent-ils une quelconque réalité ? Ces questions, on a tendance à ne même plus se les poser car nous vivons entourés de ces indicateurs quantitatifs (le PIB, la confiance des ménages, les taux de rentabilité, etc.) censés aboutir à des décisions objectives, puisque les chiffres ne mentent jamais. Pablo Jensen, physicien et directeur de recherche au CNRS, s’est attaqué de front à ces croyances dans son essai Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en équations (Seuil). Entretien en 2 pages, 10 382 caractères, 9 questions et 12 occurrences du mot «indicateur».
    D’où vient, historiquement, cette volonté de modéliser et de chiffrer la société ?
    C’est lié à la gestion d’un Etat centralisé qui veut connaître ce qui se passe dans son pays. Quand on parle du pouvoir absolu et divin des rois, il était dans les faits limité, car ce qu’ils connaissaient de leur territoire était très faible. Quand les Etats ont voulu en savoir plus sur leurs territoires, ils ont créé les statistiques. «Statistique» est aujourd’hui un mot mathématique neutre, mais son étymologie vient bien de «Etat». Quand vous voulez connaître depuis un centre un grand nombre de lieux différents, vous êtes obligés de les homogénéiser un peu pour pouvoir les sommer et les agréger. Quand Napoléon, surtout en temps de guerre, a voulu savoir de combien de blé il pouvait disposer, de combien d’hommes, de combien de minerais, il a fallu standardiser pour pouvoir regrouper. Il y a donc tout un mouvement qui passe par les noms de famille, par les poids et mesures. Cette mise en chiffres est très politique dès le départ.