Par Hubert Guillaud le 10/09/15
“Le corps est-il la nouvelle frontière de l’innovation numérique ?”, telle était la question et le postulat de Bodyware, le groupe de travail de la Fondation internet nouvelle génération lancé en 2014. Voilà venu le temps pour ce groupe de remettre les résultats de plusieurs mois d’ateliers, de discussions et de réflexions.
Pour chacune de celles que nous avons retenues, nous publierons une problématique permettant de mettre la question en perspective éclairée de controverses pour la nourrir et de pistes d’innovation ouvertes qui souhaitent orienter l’innovation à venir.
Premier “territoire d’innovation” dont nous vous proposons analyse : le corps au travail.
Pour l’essayiste Paul Ariès, la “sportivation de la vie” consiste à faire de l’activité physique une idéologie, qui met en avant les valeurs de performance, de compétition… dans lesquelles se retrouvent le capitalisme et le productivisme. Au-delà de la santé, du bien-être, de la beauté et du sport, principaux terrains d’exploration du groupe de travail Bodyware de la Fing, cette transformation de l’activité physique en idéologie qui trie et hiérarchise les individus se retrouvent d’abord et avant tout dans le monde du travail, où le corps, là aussi, devient un idéal.
L’intuition : la mesure de soi va se développer dans le monde professionnel
Depuis l’invention du taylorisme au moins, le monde professionnel s’est toujours intéressé à la mesure : il a toujours été à la recherche d’indicateurs chiffrés permettant d’optimiser le cycle de production. Pour cela, il n’hésite pas à mettre sous surveillance la productivité, en s’intéressant au corps des employés. De plus en plus d’applications, d’outils et de services réfléchissent à introduire, via des outils numériques, des métriques d’ordre corporel ou social pour améliorer la productivité, fluidifier les chaînes de production, évaluer les compétences et l’efficacité de chacun et de l’ensemble des travailleurs.
Bien plus que dans le monde de la santé, du bien-être et du sport, le monde du travail est appelé à devenir le premier terrain d’application des outils de mesure de soi. Le monde du travail s’annonce comme la
killer app du Quantified Self et de l’analyse des grandes masses de données (Big data) que génère l’entreprise.
Comme le soulignait James Wilson pour le Wall Street Journal, ces outils sont en train de trouver leurs principales applications pratiques dans le monde de l’entreprise.
Plus que le domaine de la santé où la scientificité des outils est un prérequis, le monde du travail est un milieu où l’acceptation n’est pas toujours un prérequis, ou l’obligation et la contrainte de l’autorité sont des moyens de pression communément utilisés, ou le manque de scientificité des outils ne gène pas leur diffusion : l’important étant de documenter et mesurer le process (
reporting). Le monde du travail pourrait bien être à l’avenir le premier espace de mise en surveillance des corps
pour connaître et améliorer leur état productif.
Image : infographie de l’historique des objets qui se portent au travail, via la Harvard Business Review.