Compteurs d’heures qui explosent, rappels des soignants sur leurs jours de repos et même sur leurs congés annuels, absentéisme récurrent lié à l’épuisement : les infirmiers font des heures supplémentaires, qu’ils le veuillent ou non. Faut-il changer la politique des établissements ou tout revoir à la source ? Les avis sont partagés.
On a un problème majeur dans les hôpitaux actuellement : c’est l’absentéisme. On n’a pas les volets de remplacements suffisants, donc on sollicite les agents qui sont en repos, voire même en congés annuels, ce qui est totalement illégal. Les gens sont rappelés pour faire face et pour assurer la continuité des soins. Ce sont des heures qui viennent en plus de ce qu’ils avaient au planning, donc des temps supplémentaires qui bien souvent vont au-delà des bornes légales ».
Ce constat amer de Nathalie Depoire, présidente de la CNI (Coordination Nationale Infirmière), est partagé par de nombreux soignants.
« Je suis à 80 % pour m’occuper de mes deux enfants. Mais certains mois, on me demande de venir travailler à plein-temps, même plus, en incluant les quatre dimanches », témoigne Sylvie, infirmière à Montpellier. Faire travailler les agents à plus de 100 % sans aucune compensation financière : un droit que les établissements s’accordent depuis la parution d’un décret instaurant l’annualisation du temps de travail dans les établissements hospitaliers.
Le concept est simple : l’agent doit effectuer un certain nombre d’heures sur une année (1 607 maximum pour un temps plein), libre à l’employeur de les répartir comme il le souhaite (sous certaines conditions, voir encadré). Donc une infirmière qui travaille à 120 % un mois devrait pouvoir travailler à 80 % un autre mois. « La plupart du temps, ce n’est pas le cas », explique Nathalie Depoire. « On fait stocker des heures sur un compte épargne temps et les soignants n’en voient jamais le fruit, ni financièrement, ni en termes de récupération. Il faut rappeler que dans les textes, les heures supplémentaires peuvent être soit payées, soit récupérées », rappelle Nathalie Depoire.
Un crédit sur le dos du personnel
En temps de crise et par contrainte budgétaire, si la priorité est à l’économie, les soignants semblent lésés. « Les directions n’ont aucun respect pour notre travail, ni pour notre rythme. On nous rappelle le matin de bonne heure chez nous pour travailler la nuit suivante alors que l’on vient de finir une nuit et que l’on dort depuis deux heures. Mes collègues de jour, elles, sont parfois appelées à 23 heures pour le lendemain matin », témoigne Philippe, infirmier dans un service de chirurgie digestive. « Tout le monde s’attache à faire des économies, par contre cela ne gêne personne d’avoir un réel crédit sur le dos du personnel qu’on ne s’attache pas à rembourser, ni de mettre en jeu leur santé physique et morale », enchérit Nathalie Depoire.