Par Bernard Senet 25-01-2015Médecin généraliste
Il y a plus de 30 ans, installé comme généraliste en milieu rural, j'ai été amené à soigner une toute jeune fille atteinte d'un cancer évolutif (
rhabdosarcome). Avec l'aide de sa famille, elle a lutté deux ans (chirurgie, radiothérapie, chimio, etc.) mais la maladie a gagné.
Quand elle l'a compris, elle a décidé de fêter ses 14 ans avec ses copains et copines (dans le midi, on dit ses "collègues") et m'a demandé de l'aider ensuite à mourir. Elle était alors en fauteuil roulant, sous oxygène et difficilement stabilisée au niveau de ses douleurs par un traitement très lourd, bien supérieur à ce que la faculté m'avait appris à prescrire.
Elle a eu un bel anniversaire, puis, avec l'accord de ses parents, je l'ai aidée. Bien entendu, ce geste m'a marqué.
J'aidais des patients à mourir 1 ou 2 fois par an
Techniquement, je savais faire ; lors de mes études au CHU de la Pitié, comme tout étudiant, j'avais participé à des euthanasies avec le "
DLP" ou "cocktail lytique", parfois appliqué sans l'accord du patient, souvent sans en informer la famille.
Comme tout généraliste ou médecin praticien (neurologue, cancérologue, réanimateur,...), j'ai eu des demandes de suicide assisté ou d'euthanasie, faites par des patients atteints de maladies graves et invalidantes. Il m'est arrivé, une ou deux fois par an, d'aider activement.
Dans la plupart des cas, le fait de savoir que leur volonté serait respectée a redonné de l'énergie et du courage aux patients. C'est aussi lié avec la pratique de la vérité entre le patient-citoyen et le médecin. Cela doit se faire tranquillement, en respectant le rythme de chacun à entendre les mauvaises nouvelles. Cette franchise est le garant de la confiance dans l'accompagnement, qui peut, rarement, aller jusqu'à l'aide médicalisée à mourir.