À la veille de la date anniversaire de la promulgation de la loi autorisant l’IVG, les célébrations se multiplient, alors que depuis plusieurs années déjà certains dans le monde de la santé tirent la sonnette d’alarme : l’accès à l’IVG serait en danger. Au travers de portraits de généralistes qui pratiquent l’IVG médicamenteuse, retour sur un exercice atypique qui tend à prendre de plus en plus le relais des services d’orthogénie à l’hôpital. Mais les effectifs ne suivent pas vraiment.
Qu’ils soient militants de la première heure ou généralistes pratiquant l’IVG médicamenteuse sans convictions politiques particulières, ces hommes et ces femmes avancent tous une motivation commune : le bien-être de leurs patientes. « C’est vrai que le profil « type » du médecin un peu soixante-huitard qui milite pour l’IVG a un peu changé », explique tout en esquissant un sourire le Dr Danièle Gaudry, gynécologue à Saint-Maur et co-responsable du Planning familial. « Je suis entourée de spécialistes ou de généralistes qui ne brandissent pas tous la bannière « Droit des femmes ». Pour celle qui est « de la vieille génération », pratiquer l’IVG médicamenteuse est tout naturellement « un service » qu’elle rend à sa patientèle.
Samedi prochain 17 janvier marquera les 40 ans de la promulgation de la loi Veil. A l’occasion de cet anniversaire, Marisol Touraine se rendra vendredi matin, aux côtés de la secrétaire d’Etat aux Droits des femmes Pascale Boistard, dans un Centre de planification familiale au Centre-Hospitalier de Saint-Denis. Elles doivent y présenter le Programme national d’actions pour améliorer l’accès à l’IVG. Le chef de l’Etat qui devait lui aussi s’exprimer sur le sujet à Paris, salle Olympe de Gouges, dans le XIè arrondissement de Paris (XIe) a finalement annulé son discours.
Parallèlement à cette visite officielle, les associations féministes se mobiliseront samedi autour du sujet. Le collectif « Féministes en Mouvements » qui rassemble une quarantaine d'associations féministes, organise à la mairie du IVe arrondissement une "journée militante" pour "le droit à l'avortement en France et en Europe", intitulée "bougez pour l'IVG". La ministre et la secrétaire d’Etat devraient participer à ce colloque.
Après
quatre années et demie de bataille juridique, Dominique Cottrez sera finalement
jugée cet été pour le meurtre, entre 1989 et 2000, de huit de ses
bébés, étouffés à leur naissance et dissimulés jusqu’en 2010. Pour la première
fois, elle tente de s’expliquer dans «Libération».
Elle habite au rez-de-chaussée, une petite pièce unique donnant
sur cour qui fait office de chambre, salon et salle à manger. Son mari, qui est
resté avec elle «malgré tout», est sorti, elle est seule
devant sa télévision,«comme tous les jours» depuis sa sortie de
prison. Elle serre la main en tentant de sourire, baisse les yeux. On remarque
un peu partout sur les placards des autocollants du dessin animé Ratatouille, et
elle explique que ses petits-enfants (deux garçons de 6 ans, une fillette
de 18 mois) viennent très souvent la voir, qu’elle les garde les mercredis
et pendant les vacances. L’autre chose que l’on remarque, quand la conversation
réussit enfin à s’installer, entre gêne et longs silences, c’est une acuité
forte dans l’attention, une intelligence fine des échanges.
Alors que les 40 ans de la loi Veil vont être célébrés samedi 17 janvier, l'ARS Ile-de-France lance ce mois-ci, un questionnaire en ligne pour interroger femmes, proches et professionnels sur cette question. L'Agence régionale de santé invite ainsi les personnes qui ont eu recours à l’IVG, mais aussi les médecins ou travailleurs sociaux à témoigner anonymement, en répondant à quelques questions simples: type de méthode utilisée, information reçue lors de la prise en charge, délais. Selon l'ARS-IDF, "les réponses au questionnaire fourniront des éléments d'appréciation de la qualité du parcours proposé en Ile-de-France et des obstacles rencontrés par les femmes en termes d'accès et de réalisation de l'IVG".
On savait déjà qu’euthanasie et soins palliatifs allaient rarement ensemble. Une toute récente étude confirme que, dans les centres dédiés à l’accompagnement des mourants, les demandes d’en finir sont exceptionnelles. C’est en tout cas vrai pour la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris (81 lits de soins palliatifs). Cette enquête montre que dans cet établisssement de référence en la matière -objet d’un film documentaire et visité en 2013 par la ministre de la Santé- , les demandes d'euthanasie en unité de soins palliatifs tournent autour des 3% des patients.
Travailler plus... pour boire plus ! D’après une étude parue dans le BMJ, les individus qui travaillent plus de 48 heures par semaine, ont une plus grande probabilité de s’engager dans une consommation d’alcool à risque pour leur santé. C’est-à-dire plus de 14 boissons alcoolisées par semaine pour une femme et plus de 21 pour un homme.
La progression vers l’égalité entre femmes et hommes est réelle, mais le chemin est encore long. « Les avancées sont inabouties et paradoxales », écrivent les auteurs de l’Atlas mondial des femmes, premier du genre, présenté, lundi 12 janvier, par l’Institut national d’études démographiques (INED) et publié par les éditions Autrement.
Où en est-on réellement aujourd’hui ? « Il y a des avancées dans un très grand nombre de domaines comme la santé, l’instruction… mais on voit aussi des situations se dégrader », explique Isabelle Attané, démographe de l’INED et coresponsable de l’Atlas. Moins nombreuses que les hommes sur la planète depuis les années 1950 – les femmes sont 3,6 milliards sur près de 7,4 milliards d’humains –, elles vivent plus longtemps, et ce partout dans le monde. Mais c’est un des rares avantages qu’elles peuvent revendiquer par rapport à la gente masculine. En 2010, le risque pour un homme de mourir à 20 ans était ainsi presque trois fois plus élevé que pour une jeune femme. Las, cette espérance de vie plus longue cache une dégradation de la santé plus importante pour les femmes, liée notamment aux « difficultés rencontrées parfois pour concilier la vie professionnelle et la vie familiale, les activités domestiques mobilisant davantage les femmes que les hommes, y compris celles qui travaillent », écrit la démographe Emmanuelle Cambois.
Les couples homosexuels pourront désormais adopter des enfants dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels, a décidé ce 14 janvier la Cour constitutionnelle autrichienne. Depuis 2013, chacun des partenaires d’un couple homosexuel en Autriche peut adopter les enfants du conjoint, et depuis 2014, les couples de femmes ont accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP).
Depuis deux ans, une partie de sa famille et son équipe médicale se déchirent au chevet de Vincent Lambert. Entré dans un état végétatif irréversible, n’est-il pas victime d’un acharnement thérapeutique ? Au-delà des procédures judiciaires, le docteur Éric Kariger évoque la médecine toute-puissante et la dignité du malade.
Comment être à la fois acharné à défendre la vie et scrupuleusement respectueux de son patient ? Le docteur Éric Kariger a fait profession de ce savant équilibre. Il aurait pu poursuivre sans bruit son travail en soins palliatifs au centre hospitalier de Reims, mais « l’affaire Vincent Lambert » en a décidé autrement.
Le cancer serait-il dû au hasard et à la malchance ? C’est la thèse provocante développée dans la prestigieuse revue Science par deux scientifiques américains… du moins si l’on en croit les comptes rendus qu’en font les médias, et les réactions qu’elle suscite. Critiquant cet article dans Le Monde tout en passant largement à côté, la sociologue Annie Thébaud-Mony vient même à en conclure une nécessaire remise en cause de tout outil mathématique dans le domaine de la santé !
Mais il suffit de lire l’étude elle-même pour comprendre que ce résumé est un contresens. Son objectif n’est pas d’expliquer pourquoi certains individus sont touchés par des cancers et pas d’autres, mais d’expliquer pourquoi certains organes sont bien plus souvent touchés par des cancers que d’autres. Par exemple, les cancers du colon sont 25 fois plus fréquents que les cancers de l’intestin grêle chez l’humain.
Grégoire Ahongbonon transporte une chaîne de métal dans ses valises. Elle a servi à enchaîner une personne aux prises avec la maladie mentale en Côte d’Ivoire, son pays d’adoption. Il l’apporte avec lui en voyage, au cas où il aurait la chance de la déposer sur le bureau de décideurs. Au cas où les pièces de métal changeraient les mentalités comme lui-même s’y affaire.
«En Afrique, les malades mentaux sont considérés comme possédés, frappés de la malédiction des sorciers, et tout le monde a peur d’eux», dénonce-t-il lors d’un entretien accordé pendant un récent passage au Québec. Il n’est ainsi pas rare que leur famille prenne les moyens de les immobiliser par des chaînes ou des troncs d’arbre. Quand ils sont tout simplement abandonnés, on les croise nus, mangeant dans les ordures, raconte Grégoire.
Attablé dans un banal restaurant du quartier Ahuntsic à Montréal, M. Ahongbonon avoue sans gêne : «Moi aussi, j’avais peur des malades mentaux.» En quelques années, il est néanmoins passé de réparateur de pneus à raccommodeur de vies. Il a fondé l’Association Saint-Camille-de-Lellis, qui héberge, soigne et réhabilite les malades mentaux dans 16 centres dispersés en Côte d’Ivoire, au Bénin et bientôt au Burkina Faso et au Togo.
L’homme de 62 ans est très sensible à leur fragilité, à cette sensation d’avoir les pieds au bord d’un abîme sans cesse renouvelé. C’est qu’il a connu la dégringolade, de la fortune — «J’avais une voiture, quatre taxis et beaucoup d’amis» — à sa perte : «J’ai tout perdu, mesamis sont partis. Je songeais au suicide.»
Par Didier Fassin, professeur de sciences sociales à l’Institute for Advanced Study de Princeton (New Jersey)
Après le temps de la sidération, le temps de la communion et le temps du recueillement autour des victimes des assassinats des 7, 8 et 9 janvier, devra venir le temps de la réflexion sur ces événements tragiques. Or l’émotion légitime et l’apparent consensus qui en a résulté tendent à délimiter l’espace du pensable et a fortiori du dicible. Un périmètre de sécurité idéologique impose ce qu’il est acceptable d’interroger et ce qui ne saurait l’être.
Condamner est nécessaire, analyser devient suspect. « Il y en a assez de toujours essayer de comprendre. À force de trop vouloir expliquer, nous avons fait preuve de complaisance depuis trop longtemps », me disait une personnalité de gauche connue pour ses engagements citoyens. Comprendre, ce serait déjà justifier. Ne plus comprendre, donc : se contenter de juger. Non seulement les tueurs, mais aussi les lycéens de Seine-Saint-Denis qui ne veulent pas respecter la minute de silence, les musulmans qui refusent de dire qu’ils sont Charlie, les personnes qui n’ont pas manifesté le 11 janvier, les collectivités qui offrent la possibilité de repas hallal dans les cantines des écoles – et les chercheurs qui essaient, justement, de comprendre.
Qu’advient-il des personnes atteintes de maladie mentale qui commettent des crimes violents? Où sont-elles gardées? Comment sont-elles traitées? On en sait très peu sur les institutions médicolégales —autrefois appelées asiles pour criminels aliénés — où certaines de ces personnes sont internées pendant des années, à l’abri des regards du public.
Les Services funéraires de la Ville de Paris rendront hommage, samedi matin au crématorium du Père-Lachaise, à ceux qui ont fait don de leur corps à la science. Cette cérémonie laïque et collective, à la mémoire des « morts sans corps », est une réponse à l’absence de cérémonie et à l’absence de lieu de recueillement pour ces familles.
« Quand il y a don du corps, les familles sont dépossédées de leur défunt et souvent ne peuvent pas organiser d’obsèques », explique à l’AFP François Michaud Nérard, directeur des services funéraires de Paris. « Or, c’est un besoin très profond pour les humains d’organiser des rites funéraires », poursuit ce responsable.
Chaque année en France, 2 600 personnes font don de leur corps à la science (dont 800 en région parisienne). Ces dons permettent aux facultés de médecine et aux hôpitaux de réaliser des travaux de recherche et d’enseignement.
Le Collectif pour une psychiatrie de progrès invite dans un texte les professionnels à tirer parti du projet de loi de santé, qu'il décrit comme « une occasion de nouer davantage de liens entre les acteurs de terrain et d'améliorer les parcours des usagers ». Ce collectif de psychiatres, créé en 2013 (lire notre actu Pour une psychiatrie de progrès), se présente comme un think tank sur les évolutions nécessaires en psychiatrie.
Pour les signataires, le projet de loi, très critiqué, fourre-tout est certes « technocratique », mais il peut aussi être une opportunité pour une mobilisation des acteurs de terrain en direction d’une auto-organisation, pour peu que ces professionnels des champs sanitaire, médico-social, social, ainsi que les usagers, s’emparent des dynamiques d’élaboration collective, des diagnostics partagés, des processus des contrats locaux de santé…
Pour mettre fin à l’encombrement des hôpitaux par les malades habitués, M. le Dr Babinski a proposé la construction d’établissements nouveaux, intermédiaires entre l’hôpital et l’asile de nuit, où tous les demi-malades seraient admis quand ils le voudraient sur la présentation d’une carte spéciale délivrée après un examen médical sérieux. Ils y seraient soignés, en temps de crise, par des médecins des hôpitaux. Mais on ne les admettrait plus – sauf exception – dans les autres établissements. En dehors des périodes d’accès, ils y trouveraient un refuge la nuit et une alimentation suffisante pour les mettre à l’abri de la faim, mais insuffisante pour les inciter à rester éternellement à l’asile et leur enlever le désir de trouver du travail.
Nous sommes professeurs en Seine-Saint-Denis. Intellectuels, adultes, libertaires, nous avons appris à nous passer de Dieu et à détester le pouvoir. Nous n’avons pas d’autre maître que le savoir. Ce discours nous rassure et notre statut social le légitime. Ceux de Charlie Hebdo nous faisaient rire ; nous partagions leurs valeurs. En cela, cet attentat nous prend pour cible. Même si aucun d’entre nous n’a jamais eu le courage de tant d’insolence, nous sommes meurtris. Nous sommes Charlie pour cela.
Mais faisons l’effort d’un changement de point de vue, et tâchons de nous regarder comme nos élèves nous voient. Nous sommes bien habillés, confortablement chaussés, ou alors très évidemment au-delà de ces contingences matérielles qui font que nous ne bavons pas d’envie sur les objets de consommation dont rêvent nos élèves : si nous ne les possédons pas, c’est peut-être aussi parce que nous aurions les moyens de les posséder.
Nous partons en vacances, nous vivons au milieu des livres, nous fréquentons des gens courtois et raffinés. Nous considérons comme acquis que La Liberté guidant le peuple et Candide font partie du patrimoine de l’humanité. On nous dira que l’universel est de droit, et non de fait, et que de nombreux habitants de cette planète ne connaissent pas Voltaire ? Quelle bande d’ignares… Il est temps qu’ils entrent dans l’Histoire : le discours de Dakar le leur a déjà expliqué. Quant à ceux qui viennent d’ailleurs et vivent parmi nous, qu’ils se taisent et obtempèrent.
Deux jours après la Marche républicaine, qui a réuni plus de 4 millions de personnes en France en hommage aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo le 7 janvier, à Paris, et en région parisienne les 8 et 9 janvier, Gilles Kepel, professeur à Sciences Po et auteur notamment de Passion française. Les voix des cités (Gallimard, 2014), analyse le sens des manifestations de solidarité organisées en France contre le terrorisme et pour la liberté d’expression, et décrypte la représentation du monde des djihadistes.
Que vous inspire la marche républicaine organisée ce week-end à Paris et en France ?
La marche est un sursaut vital de la société française, et de tous les peuples qui l’ont soutenue en envoyant défiler leurs dirigeants, contre un nouveau type de terrorisme djihadiste, celui de Daech [organisation Etat islamique; EI], qui s’est infiltré par les réseaux sociaux au cœur de l’Europe pour la détruire en déclenchant la guerre civile entre ses citoyens et résidents musulmans et non musulmans.
Dessinateurs « blasphématoires », musulmans « apostats », policiers, juifs, sont les cibles de prédilection. La marche a senti ce défi mortel et a explicité un premier réflexe, massif, de résistance. Mais Daech a identifié précisément des clivages culturels, religieux et politiques, et s’est donné pour objectif d’en faire des lignes de faille. Et il ne faudrait pas sous-estimer le danger : une bataille a été gagnée hier, mais il reste beaucoup à faire.
Comment reconstruit-on en France un pacte social après le 7 janvier ?
Si une large majorité de nos concitoyens de confession musulmane sont convaincus de la nécessité du pacte républicain, d’intégration de l’islam à la culture française, de même que juifs, chrétiens ou libres-penseurs ont construit ce processus historiquement, il existe aujourd’hui un pôle d’attraction djihadiste hostile à ce pacte. Toute la difficulté est de relativiser les choses, sans amalgame, mais sans se dissimuler la réalité. Et dans ce cadre-là, l’enjeu de dire les normes sur ce que sont nos valeurs communes et ce qui est inacceptable est essentiel. C’était le grand défi des manifestations du week-end : car si la société civile ne dit ni ne fait rien, ce consensus peut s’effriter.
La logique du clivage civilisationnel structure la vision du monde de Daech. Français et Européens, mais aussi les musulmans, doivent en avoir conscience, car ils sont les premiers concernés. Et le véritable débat est de savoir comment renforcer un pacte social qui identifie ce clivage comme un danger mortel et parvient à le contrer. C’est la seule manière de surmonter une situation où il faut le reconnaître, c’est l’Etat islamique et sa culture qui mènent le jeu – comme Al-Qaida le menait au soir du 11-Septembre, avant d’être vaincue quelques années plus tard.
La tuerie de Charlie Hebdo, et de l’hypermarché casher de Vincennes, représente un remake culturel du 11 Septembre, selon les modes opérationnels qui sont désormais ceux de EI. Après le 11 Septembre, il y a eu aux Etats-Unis une sorte de réarmement moral au sens noble du terme : un nouveau consensus sur les valeurs, mais aussi des dérives. Il importe d’en tirer les leçons.
Elsa Cayat était psychanalyste mais aussi chroniqueuse à Charlie Hebdo. Elle a trouvé la mort dans l’attentat de mercredi 7 janvier. Deux de ses patients, l’écrivain Alice Ferney et Éric Reignier, chef d’entreprise, consultant en conduite du changement, lui rendent un hommage à deux voix.
Elsa Cayat, la psychanaliste et chroniqueuse pour Charlie Hebdo qui a perdu la vie lors de l’attentat du 7 janvier.
Éric Reignier
J’avais rendez-vous ce mercredi soir avec Elsa Cayat. Deux fois par semaine, j’ai rendez-vous avec elle. Pour la première fois, sa porte était fermée.
Elle tendait la main comme pour un baise-main. Elle se déplaçait à grand pas en croassant un « Alors, dites-moi… » Elle s’asseyait, laissait tomber par terre ses chaussures, recroquevillait sous elle ses pieds nus et répétait « Alors racontez-moi… »
Alice Ferney
Elsa Cayat a été assassinée hier avec les esprits libres de Charlie Hebdo. Elle était psychiatre et psychanalyste, depuis très longtemps ! disait-elle avec vigueur, pour confirmer la passion qu’elle avait de son métier et sa foi dans l’exercice qu’elle en proposait. Elle avait créé pour le journal la rubrique Divan de psy. Ce n’était pas une blague, c’était de l’intelligence pure. Comprendre le psychisme humain autant que la société d’aujourd’hui, les nouveaux vides et les nouvelles souffrances, elle y travaillait dans ses éditos, ses livres et sa pratique. Elle avait beaucoup écouté et beaucoup lu. « Y a deux types qui ont dit des trucs, Freud et Lacan. Les autres ont répété. » Elle était radicale et ouverte, elle se marrait aussi.
Le concept freudien de la pulsion de mort repensé sous l’éclairage de certaines avancées théoriques actuelles en psychanalyse, de la philosophie et de l’anthropologie, de façon à questionner l’éthique dans notre modernité.
Le monde actuel, dans la vérité qui s’y déchaîne, nous demande, en tant qu’analystes, de penser à nouveau le concept des pulsions de mort, questions soulevées par l’échange entre Freud et Einstein à l’approche de la catastrophe de la seconde guerre mondiale qui a couvert le XXe siècle.
Livre essentiel, avec lequel Fethi Benslama fait le point sur une vingtaine d’années de travail. Travail exemplaire qu’il n’y a que lui à mener, lequel consiste à ne pas tenir pour rien les aspects fondamentalement subjectifs qui président à tout conflit ; dans le cas présent aux conflits qui dévastent les terres d’Islam. Des Musulmans, comme il est trop communément convenu de dire en Occident, suffit-il de parler en termes historiques, sociaux, économiques, géo-politiques ? Autrement dit : de masses ? Que peut-on en apprendre de déterminant en se servant des outils de la psychanalyse, par exemple ? Outils dont Fethi Benslama use ici d’une façon qui fera date, comme a fait date son livre "La Psychanalyse au risque de l’islam".
Le DrPhilippeSopena, médecin généraliste à Paris et ex-vice président de MG France, ainsi que d’autres acteurs dans la mouvance santé du Parti socialiste, lancent un long appel* à« tenir bon » sur le tiers payant généralisé (TPG),« une vraie et bonne réforme ».
Le texte diffusé aux médecins, et plus largement aux acteurs de la santé (militants associatifs, mutualistes, syndicalistes, universitaires, usagers...) risque de provoquer de vifs remous dans la profession. Il affirme que les « médecins libéraux, notamment les généralistes » dont la principale exigence est aujourd’hui le refus du TPG« se trompent de combat », et qu’ils ne doivent pas se laisser « manipuler ».
Jean Mercier, un octogénaire poursuivi pour avoir aider à se suicider son épouse souffrant d’une fragilité osseuse et atteinte de dépression est passé en jugement mardi devant le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne. L’homme -dont le procès avait été reporté en novembre dernier-a déclaré avoir eu besoin de "beaucoup de courage" pour accomplir cet acte. Sa fille Marie-Pierre lui a apporté son soutien, en déclarant : "ma mère n'était pas une malade incurable, mais moralement, mentalement, elle ne pouvait plus supporter la vie". Jean-Luc Romero, président de l'association pro-euthanasie ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) et présent à Saint-Etienne pour soutenir Jean Mercier, a profiter de l’occasion pour souligner que "la Loi Leonetti sur la fin de vie ne fonctionne pas en France ", évoquant le "débat sans vote qui doit avoir lieu sur ce sujet à l'Assemblée nationale", la semaine prochaine, ainsi qu'une proposition de loi à l'initiative d'EELV .
Auteur de travaux sur la violence, la prison et l’humour, le psychanalyste Jacques André se penche sur l’immense élan collectif qui a suivi les attaques tétanisantes de la semaine dernière.
Jacques André est psychanalyste. Il a travaillé sur la violence, la prison, l’humour. Il est l’auteur des 100 Mots de la psychanalyse (PUF) et de Paroles d’homme (Gallimard).
Qu’est-ce qu’un psychanalyste peut dire de ce qui s’est passé la semaine dernière ?
La position du psychanalyste est tellement mêlée à celle du citoyen… Pour ma part, je n’ai jamais connu de moment comme ça, où la vie psychique collective est à ce point prévalente. Et pas juste parce qu’il devient quasi incorrect d’évoquer sa vie personnelle au regard de l’immensité de ce qui se passe.
Je pourrais parler de ce qui se passe pour moi. Je ne me sens plus seulement le fils d’une histoire familiale, d’une filiation parentale, comme tout le monde, mais aussi le fils d’une culture, d’une philosophie, d’un esprit, d’une nation même. Moi qui ai horreur du nationalisme, c’est comme si ce mot reprenait un sens. Le mot «peuple» aussi, qu’on manie habituellement à tort et à travers, comme si cet être psychique collectif acquérait pour une fois une cohérence.
Il faut un événement comme celui-là pour s’apercevoir que cette histoire - et pas juste l’histoire de France, on voit bien que c’est l’histoire des idées, de la démocratie - est inscrite, et transmise. Ce qu’on n’a pratiquement aucun moyen de repérer dans d’autres circonstances. Bon, Charlie Hebdo,ce n’est pas Voltaire mais, en même temps, il y a quelque chose qui passe par le boulevard Voltaire, de la République à la Nation. C’est très étonnant de découvrir à quel point nous sommes habités par ça, à notre insu.
RencontreCelui qui a repris la direction du Département de santé mentale et de psychiatrie aux HUG veut y «créer une bonne ambiance».
Jean-Michel Aubry,directeur Département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève.Image: Pierre Abensur Il s’attelle à une lourde tâche. S’il en a conscience, il le montre subtilement, sans se départir d’un sourire tranquille. Depuis le 1er janvier, Jean-Michel Aubry dirige le Département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève. Un département et une discipline qui ont souffert ces dernières années. De nombreux médecins sont partis, dénonçant de mauvaises conditions de travail et critiquant le grand pouvoir du chef du département, sur fond de restrictions budgétaires.Cette nomination vise-t-elle à tourner une page? «Je n’ai pas été nommé pour cela et je m’entends bien avec Panteleimon Giannakopoulos, qui quitte naturellement la direction du département après dix ans, s’empresse de dire Jean-Michel Aubry. Mais chacun a ses idées et il y aura certainement des changements.»Lire la suite ...