15 AOÛT 2014 | PAR GILLES BOUQUEREL
Plus que la mode, une volte face culturelle a placé l'autisme sous l'éclairage unique et pur de la science, celle qui ne trompe pas, et qui promeut la connaissance, et non l'illusion, la vérité prouvée-par-l'expérience et non la croyance, science si pure, de surcroît, qu'elle n'admettrait aucun regard sceptique ni sur son objet, ni sur ses procédures, ni sur ses classifications. Une vérité sceau-des-vérités, au dessus de toute interrogation.
Deux articles récents de Berend Verhoeff1 viennent rompre ce vertige « scientifique » en en interrogeant les fondements épistémologiques, et en relativisant les nouvelles certitudes claironnées. Dans le premier article cité l'auteur insiste sur la réécriture de l'histoire à laquelle les contemporains procèdent, quand ils évoquent une évolution logique et progrédiente des prémices « historiques » (Kanner) à la moderne scientificité centrée autour du cerveau, et dans le second sur les limites liées à l'objet (l'étude de l'être humain dans son comportement ou son fonctionnement psychique) dont ces mêmes contemporains font mine de s'affranchir, en particulier les difficultés de caractériser des tableaux spécifiques et distincts, aux limites nettes, alors même que l'autisme n'est que descriptif.
La description « moderne » de l'autisme, jusque dans sa dernière caractérisation du Spectre de l'Autisme n'est pas neutre, elle s'articule sur ce que j'ai nommé « le syndrome NeIGE », après avoir utilisé, dans une vie antérieure, d'un autre acronyme.
L'autismeNeIGE est en effet,
- Neurologique : émanant d'une anomalie développementale du cerveau, que l'imagerie révèle, et principalement les différences de fonctionnement sur des RMNf entre personnes autistes (souvent quand même les plus touchés) et personnes non autistes. Ces différences sont interprétées comme des preuves de la disparité cérébrale entre ces deux catégories, et les particularités cérébrales chez les personnes autistes sont rapportées comme causes de l'autisme, réalisant une « petite » vérification anatomo-clinique.2
Incurable, il ne peut être guéri, ni même traité, seulement éduqué, c'est donc un Handicap définitif : autiste un jour, autiste toujours.
Génétique, il provient d'anomalies génétiques, qui se doivent d'être majoritaire. Quand une publication en relativise le pourcentage d'effet (non pas 90 % mais seulement 50%), une panique s’installe et, heureusement une nouvelle étude en rehausse l'effet : finalement c'est 60 %. Ouf !
Équivalent sans tout son spectre. C'est un élément important l'autisme et un et indivisible, comme la République, il n'y a pas d'autisme grave ou moins grave, sérieux ou pas, vrai ou faux, seulement des autistes-tous-équivalents.
C'est ainsi que l'autisme est partout présenté alors qu'on réfute en rires et moqueries toute autres idée ou conception , présentées comme ancestrales, ringardes, non scientifiques, et, par cette voie, inefficaces et/ou malveillantes, surtout quand ces autres idées ou conceptions évoquent « le psychisme », l'esprit ».
C'est que le syndrome NeIGE utilise les moyens de la psychiatrie américaine (et mondiale, par le fait de l'empire que l’Amérique a sur les esprits), qui a soigneusement banni la nécessité même d'une catégorie comme l'esprit, ou le psychisme, et utilise comme mode de connaissance les comportements, tels que décrits, comme mode d'analyse de ce qui « se passe là haut » la cognition 3, et comme voie d'action le comportementalisme. Cette psychiatrie américaine ne date pas d'hier, et sa naissance doit peu aux avancées récentes de la science, bien qu'elle s'appuie ex post sur celles-ci. C'est une vicissitude historique de l'histoire des idées et des pratiques dans ce pays, et à ce titre admissible et respectable, comme système et vérité relatifs.