Nos révélations sur le rapport confidentiel de l’inspection générale des affaires sociales, pointant des « maltraitances institutionnelles » et des « conditions d’accueil des malades indignes » à l’hôpital psychiatrique de Clermont, n’ont pas laissé indifférents. Hier, représentants politiques et dirigeants de l’établissement, l’un des dix plus grands de France dans sa spécialité, sont revenus sur l’épais document rédigé fin 2010.
En 220 pages, l’inspection générale (Igas) décrit « un établissement qui offre le meilleur et le pire » et demande une « reprise en main de tous les personnels ». Locaux en mauvais état et mal aménagés, « pratiques soignantes défaillantes », l’enfermement « en permanence » employé dans certains services sont notamment épinglés.
Depuis la remise de ce rapport, des corrections ont été apportées et d’autres sont en cours, comme le précise François Maury, directeur par intérim. « C’est en bonne voie et, d’ici à quelques semaines, nous ferons un premier point », explique-t-il. Conseiller général des établissements de santé, rattaché à l’Igas, il a pris la tête de Clermont après le départ contraint de la directrice, en mai. Le fait que le rapport soit resté confidentiel n’est « pas un manque de transparence », selon François Maury, estimant qu’il fallait laisser le temps à l’établissement de réagir.
« On ne fera pas de bonne psychiatrie dans des locaux vétustes et indignes. Il y a nécessité pour l’hôpital de balayer devant sa porte », admettait hier André Vantomme, vice-président socialiste du conseil général et président du conseil de surveillance de l’hôpital de Clermont. Et de poursuivre : « L’Igas a fait un contrôle et nous a permis de faire preuve de lucidité sur nous-mêmes. Mais il faut que cet exercice soit partagé, lance-t-il en ciblant l’Etat et le manque de soutien financier dont a souffert l’hôpital. On ne peut pas faire vivre un établissement comme Clermont sans qu’on y consacre les moyens nécessaires. » Même remarque du côté de la CGT, le syndicat majoritaire : « Pendant des années, on a dit en interne qu’il fallait rénover. »
Une enquête à la suite d’un signalement
L’inspection générale a été saisie en 2010 par la ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, à la suite d’un signalement. Trois enquêteurs ont visité cet hôpital de 900 lits répartis sur 2 gigantesques sites, à Clermont (13 ha) et Fitz-James (60 ha). Leur rapport s’achève sur 54 recommandations dont plus d’une vingtaine à effet immédiat. « On n’a pas la même façon de voir les choses », estime Alain Mougas, de la CGT, à propos du rapport de l’Igas. Lui préfère se concentrer sur le personnel qu’il décrit « en souffrance ».
CLERMONT Le rapport qui fait mal à la psychiatrie
Le CHI a souhaité réagir rapidement à la révélation du contenu du rapport de l'IGAS afin d'éviter tout amalgame avec de la maltraitance volontaire.
La vétusté des locaux du Centre hospitalier interdépartemental est au cœur d'un rapport qui vient d'être dévoilé. L'établissement se défend de toute maltraitance physique.
La révélation hier du contenu d'un rapport confidentiel de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), datant de2010, a provoqué un tollé général au sein de l'établissement mis en cause: le Centre hospitalier interdépartemental (CHI). Dans ce document de plus de 200 pages, le terme maltraitance y est employé à plusieurs reprises.
Une maltraitance induite par la vétusté des locaux, qualifiés à plusieurs reprises d'indignes, voire de sordides. Si le CHI a souhaité réagir aussi promptement à ces révélations, « c'est pour éviter l'amalgame: il ne s'agit pas de maltraitance physique, souligne André Vantomme, président du conseil de surveillance du CHI. Cette situation de vétusté n'avait échappé à personne. En2008 déjà, nous demandions à l'ARS (l'Agence régionale de santé) des crédits pour rénover les locaux; demande pour laquelle nous n'avons pas obtenu satisfaction. Mais ce n'est pas pour autant que rien n'a été fait pour améliorer la situation».
L'inspection de l'IGAS faisait suite au signalement d'une élève infirmière s'inquiétant de certaines pratiques. Un signalement classé depuis sans suite par le procureur de la République. Le CHI se défend en tout cas d'avoir voulu garder secret le contenu de ce rapport.
«Il nous fallait d'abord l'étudier et le mettre en œuvre, note François Maury.54 recommandations avaient en effet été émises; la plupart a depuis été appliqué.Mais il n'était de toute manière pas de notre ressort de décider de le rendre public.Seule l'IGAS pouvait le faire; ce qu'elle n'a pas souhaité».
De son côté, la CGT, syndicat majoritaire au CHI, rappelle qu'elle dénonce «depuis des années les enveloppes allouées à l'établissement, totalement insuffisantes pour effectuer, en temps et en heure, les réhabilitations nécessaires» et pointe également du doigt la diminution des effectifs. «On ne fera pas vivre un établissement psychiatrique de la taille du CHI sans y mettre les moyens nécessaires, l'a rejoint sur ce terrain André Vantomme. Or, comme souvent, la psychiatrie est sacrifiée. Il est temps que les autorités de tutelle comprennent qu'on ne fait pas de bonne psychiatrie sans moyens».
SYLVIE MOLINÈS