La crise, une tragédie pour la santé des Grecs
LEMONDE.FR avec Reuters | 10.10.11
Augmentation des suicides, hausse de la consommation de drogue, développement de la prostitution, accroissement des infections au virus VIH… Une étude britannique parue lundi pointe les effets désastreux de la crise économique et des coupes budgétaires en Grèce : "Le tableau de la santé des Grecs est très préoccupant", juge David Stuckler, sociologue à l'université de Cambridge qui a dévoilé les conclusions de son étude dans le journal médicalLancet. "Une plus grande attention doit être portée à la santé et à l'accès aux soins pour s'assurer que la crise n'impacte pas la dernière source de richesse du pays : son peuple", commentent les auteurs de l'étude.
Au cours des deux dernières années, le gouvernement grec a imposé de sévères mesures d'austérité pour tenter de réduire sa dette colossale. La Grèce connaît sa plus grande récession depuis quarante ans et a dû accepter un plan de sauvetage du Fonds monétaire international et de l'Union européenne. Dans ce contexte, Martin McKee, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, qui a travaillé avec David Stuckler, estime que d'autres pays européens devraientprêter attention à ce qui se passe en Grèce. "Ce qui a lieu en Grèce montre ce qui peut se passer en cas de coupes budgétaires importantes dans le domaine de la santé […]", a-t-il dit lors d'une interview téléphonique.
LE BUDGET DES HÔPITAUX A BAISSÉ DE 40 %
Des coupes budgétaires considérables et l'augmentation du chômage à 16 % conduisent de plus en plus de Grecs à la dépression et à la drogue, tandis que la réduction des budgets des hôpitaux et des services médicaux prive de nombreuses personnes d'accès aux soins. "Le budget des hôpitaux a baissé de 40 % entre 2007 et 2009, selon les auteurs du Lancet. On relève un manque de personnel, de matériel médical et des patients qui donnent des pots-de-vin aux médecins pour couper les files d'attente", révèle le Guardian. Selon l'article, les plus faibles sont les plus impactés.
"Nous constatons […] des tendances très inquiétantes, un doublement des cas de suicides, une hausse des homicides, une augmentation de 50 % des infections au virus VIH et des gens qui nous disent que leur santé a empiré mais qu'ils ne peuvent plus consulter de médecins même s'ils devraient le faire", ajoute le sociologue.
"LA CRISE ÉCONOMIQUE M'A CONDUIT À ÇA"
Selon l'équipe de chercheurs de M. Stuckler, le taux de suicide a augmenté de 17 % entre 2007 et 2009, mais un chiffre officieux donné par des parlementaires grecs fait état d'une hausse comprise entre 25 et 40 %. La ligne d'appel nationale qui prévient les suicides rapporte qu'un quart des interlocuteurs a rencontré des difficultés financières en 2010. L'impossibilité de rembourser des sommes importantes de crédit peut également être un facteur selon la ligne de secours citée par l'étude, explique le Guardian.
Parmi les faits divers qui ont choqué les Athéniens, un ancien homme d'affaires s'est défenestré, laissant un mot où il expliquait que la crise financière avait eu raison de lui. Un propriétaire d'un petit magasin a été retrouvé pendu sous un pont, avec une lettre où l'on pouvait lire : "Ne cherchez pas d'autres raisons. La crise économique m'a conduit à ça."
Dans leur étude, les chercheurs ont également mis à jour un augmentation significative d'infections au VIH en Grèce à la fin de l'année 2010. Selon leurs prévisions, les contaminations vont augmenter de 52 % cette année par rapport à l'an passé. La consommation d'héroïne a augmenté de 20 % en 2009, chiffre àrapprocher de la diminution d'un tiers des programmes de lutte contre la drogue en raison des économies budgétaires. La violence a également augmenté, tandis que les cas d'homicides et de vols ont presque doublé entre 2007 et 2009, rapporte encore l'étude, selon le Guardian.