PAR JANIS SCHAERLAEKEN, MÉDECIN AVEC EXPÉRIENCE EN MILIEU PSYCHIATRIQUE ET FEMME DIAGNOSTIQUÉE AUTISTE MIS EN LIGNE LE 22/01/2020
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ine Nys n’aspirait qu’à la sérénité. Malheureusement, elle n’a pas eu le temps de la trouver. Je n’ai jamais connu Tine personnellement. Mais je peux m’identifier à son histoire et à sa souffrance. Comme beaucoup de femmes autour de la quarantaine, j’appartiens, avec Tine, à la « génération perdue « de femmes autistes, celle qui n’a pas été diagnostiquée dans l’enfance. Les cliniciens et les scientifiques se sont pleinement rendu compte, au cours des dix dernières années, que les filles – et non uniquement les garçons – peuvent être autistes. Ces femmes, dont le diagnostic n’a pas été posé à temps, n’ont pas reçu un accompagnement approprié.
Les difficultés d’un diagnostic
Je suis médecin et j’ai travaillé en milieu psychiatrique pendant plusieurs années. Avec le recul, je réalise que j’ai moi-même souvent omis de poser un diagnostic d’autisme chez des patientes, alors qu’elles répondaient aux critères. Ces femmes erraient depuis des années dans les établissements psychiatriques et généralement un trouble de la personnalité limite (ou trouble « borderline ») leur avait été attribué à tort, avec toutes les conséquences que cela implique, car le traitement basé sur ce diagnostic est généralement très préjudiciable pour une femme autiste.
Le procès pour homicide contre les trois médecins qui ont pratiqué l’euthanasie sur Tine Nys m’inquiète. Comment l’autisme sera-t-il mis en lien avec la capacité de consentement et de discernement ? Des femmes adultes autistes seront-elles autorisées à témoigner de leur prétendue « affection grave et incurable » ? Que nous diront-elles des voies alternatives à la psychiatrie qu’elles ont défrichées, d’où pourraient transparaître que vivre avec l’autisme n’est pas nécessairement une existence sans perspectives ni joie ?