Propos recueillis par Benoît Hopquin
« J'ai découvert lors de mes visites en prison des choses merveilleuses. » Si nous n'avions son livre sous les yeux, la formule d'Etienne Madranges paraîtrait provocatrice. L'air du temps, l'opinion publique voudraient qu'on remplisse un peu plus les prisons surpeuplées et durcisse le sort par trop enviable des détenus. A l'inverse, les rapports d'inspection s'époumonent à dénoncer ces lieux d'abomination. Alors comment, à rebours de ces deux idées, oser pareille hérésie ?
« Des choses merveilleuses. » La preuve est pourtant là, en 400 pages et 2 500 photos. Prisons. Patrimoine de France(LexisNexis, 2013) est bien une anthologie. Etienne Madranges, 62 ans, avocat général à la cour d'appel de Paris, a trouvé la beauté là où on l'attend le moins. En même temps, c'est logique. L'art, cette liberté de l'esprit, ne peut qu'être magnifié dans ce lieu qui joue sur la privation physique. Avec en filigrane une question : comment conserver ces témoignages ? Il nous explique la genèse et le sens de son livre.
Dire la beauté dans les prisons… Comment vous est venu ce projet ?
Il existe en France 400 prisons dont près de 200, anciennes ou récentes, sont en fonction, les autres ayant été abandonnées ou réutilisées en logements, médiathèques, théâtres… Magistrat depuis quarante ans, j'ai eu accès à ces lieux par essence extrêmement clos. Je les ai presque tous visités. Pour des raisons professionnelles, j’ai dû passer en prison l'équivalent de six mois de ma vie : le plus souvent en journée, exceptionnellement en dormant dans des chambres prévues pour les surveillants.