REPORTAGE Dans le camp de Roj-2, sous la garde des forces kurdes, les tensions sont vives, entre les femmes qui regrettent leur engagement auprès de l’organisation Etat islamique et celles qui restent fidèles au « califat ».
Samia s’est arrêtée pour acheter une glace dans le marché du camp de Roj. Elle l’offre au fils de Camille (tous les noms ont été modifiés), une codétenue, française comme elle. Le garçonnet de 2 ans et demi la dévore goulûment tandis qu’ils remontent, tous trois, sous le soleil assommant de cette après-midi d’août, l’allée centrale de Roj-2, l’un des secteurs de ce camp situé aux confins du Nord-Est syrien. Sous bonne garde des forces kurdes, plus de 800 familles étrangères, des femmes qui ont rejoint l’organisation Etat islamique (EI) et leurs enfants, séparées de leurs maris morts durant la guerre ou emprisonnés, sont détenues dans cette prison à ciel ouvert, cernée de clôtures grillagées et de miradors. Parmi elles se trouvent près de 90 femmes et quelque 200 enfants de nationalité française, dont une majorité de moins de 6 ans.
Derrière la clôture qui isole Roj-2 du reste du camp, entre les allées de tentes blanches, des silhouettes de femmes enveloppées de niqab et de voiles colorés se dessinent. Une ribambelle d’enfants, pour la plupart en jean et t-shirts bariolés, et quelques fillettes voilées, jouent autour des citernes d’eau et des sanitaires. « Ici, on nous impose des vêtements de couleur alors qu’on nous imposait le niqab noir à Al-Hol », le camp où elles étaient auparavant détenues depuis leur sortie de Baghouz, le dernier bastion de l’Etat islamique libéré par les forces kurdes en mars 2019, précise Camille, qui a assorti son voile vert prairie à une abaya à imprimé bleu.