par Thomas Stélandre publié le 4 janvier 2023
Par où commencer pour bien raconter une histoire ? Cette question, Vinciane Despret se la pose à différentes reprises dans son nouvel essai les Morts à l’œuvre, prolongement d’un travail engagé avec Au bonheur des morts (2015) sur la manière dont les morts peuvent faire agir «ceux qui restent». L’art est ici plus particulièrement à l’œuvre et en jeu, la démarche s’appuyant sur la rencontre de personnes ayant sollicité le protocole participatif des Nouveaux Commanditaires, initié par François Hers en 1990, lequel offre à des citoyens la possibilité de commander une œuvre d’art. Cinq exemples sont donnés, cinq commandes opérées par des vivants pour (et d’une certaine façon par) des défunts, auxquels sont ainsi rendues grâce et place. La philosophe belge, autrice de plusieurs livres sur les animaux, nous reçoit dans sa maison près d’Uzès où elle habite une partie de l’année. Elle a le rire facile, déploie sa pensée par «ramifications» comme le champignon sur lequel elle écrit ces jours-ci (le mycélium, pour un catalogue d’exposition), se tient loin des «généralisations» et ne craint pas les silences (jusqu’à 30 secondes après une question). La cuisine est jaune et rouge, le regard clair derrière les montures rondes, et l’entretien seulement interrompu une ou deux fois par une sonnerie de téléphone (un pépiement d’oiseau).