L’éducation est une science (moyennement) exacte. Cette semaine, dans sa chronique, Nicolas Santolaria s’intéresse à la charge mentale que les parents font parfois peser sur leur progéniture, l’épuisant à coups d’injonctions multiples et répétées. L’insouciance, c’était mieux avant.
Nicolas Santolaria Publié le 25 janvier 2020
Chaque matin, les mêmes cris résonnent dans le petit couloir exigu qui donne sur la porte de sortie de mon appartement : « Il est 8 h 30 ! Dépêchez-vous d’enfiler vos chaussures, on est déjà hyper en retard ! Allez, allez ! »
Même galvanisées comme des sous-mariniers au moment de charger les torpilles, les deux têtes blondes (enfin, plutôt châtain pour la seconde) à qui s’adressent ces vociférations peuvent se mettre alors à vaquer à une tout autre activité, terminer un empilage de Lego, décider de changer de tenue, démarrer une bataille de coups de pieds. En effet, les enfants possèdent en quantité une ressource naturelle à laquelle beaucoup d’adultes n’ont plus accès : la capacité à jouir de l’instant présent.
N’ayant absolument pas le même rapport au temps et aux impératifs sociaux que nous, ces hédonistes nés ont tendance à nous rendre dingues. Mais ne serait-ce pas plutôt l’inverse ? N’est-ce pas nous qui les rendons dingues ?
Pour les faire rentrer dans le moule de nos urgences préfabriquées, nous leur imposons au quotidien une dictature de l’horloge, que le docteur Catherine Dolto va jusqu’à qualifier de « maltraitance temporelle ». Voilà pourquoi beaucoup de phrases prononcées par les parents démarrent par cette formule rituelle : « Dépêche-toi de… » (finir ta soupe, faire tes devoirs, aller te laver, ranger tes jouets, dire pardon à ton frère). A laquelle s’en ajoute généralement une autre, histoire d’enfoncer un peu plus le clou de la culpabilité : « A cause de toi, on va être en retard… » (à l’école, chez le médecin, au cours de piano, à la compét’ de judo, au goûter d’anniversaire).