LE RENDEZ-VOUS DES IDÉES. L’anthropologue camerounais Parfait Akana, analyse comment la maladie s’en prend aux conventions sociales profondément ancrées.
Anthropologue à l’université de Yaoundé II et directeur exécutif du Muntu Institute, Parfait Akana est membre du conseil consultatif du Corona Times. Avec d’autres chercheurs, il a créé la plate-forme des chercheurs en sciences sociales contre le coronavirus (Social Scientists Initiative Against Covid-19 in Cameroon) pour analyser les expériences locales et démêler le vrai du faux.
Une initiative salutaire dans un pays où la ministre de la recherche et de l’innovation, Madeleine Tchuente, a invité la population à limiter la consommation de chauves-souris et de mangues pour endiguer la pandémie, avant de déclarer, le 6 avril, sur la chaîne nationale que « le problème, c’est nos habitudes. Aujourd’hui, les jeunes s’embrassent trop. Quand nous nous étions jeunes, on ne s’embrassait pas, on saluait à distance. Maintenant, tout a changé, les gens s’embrassent partout. Voilà pourquoi la maladie évolue trop ».
L’Afrique a connu plusieurs crises sanitaires et déjà été confrontée à de sévères pandémies. Qu’est-ce qui est nouveau cette fois-ci ?
Parfait Akana Cette maladie modifie sérieusement notre rapport au monde. Elle soumet notre quotidien à des ajustements jusqu’ici inédits. On ne peut plus avoir le même commerce avec les gens qui nous sont proches. Les rituels de salutations, par exemple, s’en trouvent reconfigurés jusqu’à la caricature. Une société de la proximité, du rapprochement et de l’effusion, mais aussi de la promiscuité, pour des raisons économiques, semble progressivement laisser place à une société de l’évitement et de la barrière.