Pour « Le Monde des livres », l’écrivain Marc Weitzmann a rendu visite au géant des lettres américaines, alors qu’il entre dans « La Pléiade ».
LE MONDE DES LIVRES | | Propos recueillis par Marc Weitzmann (à New York)
« Romans et nouvelles (1959-1977) », de Philip Roth, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Georges Magnane, Henri Robillot et Céline Zins, édité et révisé par Brigitte Félix, Aurélie Guillain, Paule Lévy et Ada Savin, préface de Philippe Jaworski, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1280 pages, 64 € jusqu’au 30 mars 2018.
Dans le salon de l’Upper West Side, à Manhattan, la table de travail où nous discutions de ses manuscrits, autrefois impeccable, est désormais encombrée de papiers. Depuis qu’il n’écrit plus, Philip Roth (né en 1933) a laissé s’installer ce léger désordre.
C’est le seul changement discernable. Le reste, les portraits du caricaturiste Philip Guston dans le couloir de l’entrée, le pupitre face auquel il se tenait pour écrire, luttant contre un mal de dos chronique, rien n’a bougé. A 84 ans, le mélange de sophistication et de spontanéité, de force intérieure et d’absence d’apprêt, qui fait depuis toujours le charme de Roth, est lui aussi intact.
Depuis 1959, année de parution de Goodbye, Columbus (Gallimard, l’éditeur de toute son œuvre en France, 1962), Philip Roth a publié un livre à peu près tous les deux ans. Aujourd’hui, il est l’un des derniers « écrivains absolus », au sens flaubertien : l’ultime représentant des romanciers nés avant le triomphe de la télévision, et dont l’imagination comme la puissance de concentration ont été entièrement structurées par la littérature, d’une manière pratiquement plus envisageable aujourd’hui.