Par Virginie Ballet— Marche pour la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars à Paris.Photo Smith pour Libération
Certaines associations réclament la mise en place d'un plan d'urgence pour faire face à la crise actuelle. Le gouvernement dit «tout faire pour que les femmes confinées puissent se sentir en sécurité».
«Oui, être enfermée avec son agresseur peut être un facteur de risque», met en garde Françoise Brié, présidente de la Fédération nationale solidarité femmes. Comme de nombreux acteurs de terrain engagés auprès des quelque 220 000 femmes victimes de violences sexuelles et/ou physiques chaque année dans l’Hexagone, cette militante craint que le confinement en vigueur depuis lundi en France en raison de l’épidémie de Covid-19 n’ait des conséquences sur les victimes. «Mardi, les relevés des appels reçus au 39 19 [la ligne d’écoute gérée par Solidarité femmes, ndlr], indiquaient une centaine d’appels, contre environ 400 habituellement. C’est compliqué d’appeler quand on est confiné à domicile avec son agresseur», analyse Françoise Brié.
Chaque jour, «Libé» donne la parole à des confinés, de tout poil, pour raconter leur vie à l’intérieur. Les galères petites ou grosses, les angoisses parfois mais aussi les joies et petits bonheurs imprévus. Chacun d’eux envoie une photo «de dedans», qui symbolise l’humeur du moment.
France, 67 ans, est seule avec ses deux enfants de 27 et 30 ans, M. et J-D. Tous les deux sont handicapés, et il faut les occuper quotidiennement. En temps de confinement, c’est un défi pour cette mère de famille. Tous les trois vivent dans le XXe arrondissement de Paris, près de la porte de Montreuil.
Nous ne sommes pas égaux dans le confinement. La privation d’espace étudiée par le géographe Olivier Milhaud dans ses travaux sur les prisons, est une véritable épreuve pour certains. Comment analyser les symptômes qui nous guettent ?
Entretien avec Olivier Milhaud (Sorbonne Université)
- Les premières études sur le confinement des Chinois nous parviennent. Et la revue General Psychiatry montre combien le stress dû à la peur de la contamination et au confinement drastique formate un rapport à l’espace domestique très brutal. Est-ce étudié en sciences sociales en dehors du cas des prisons ?
Olivier Milhaud : Bien sûr, les sciences sociales se sont beaucoup intéressées au cas de la rétention administrative pour étrangers. Il faut bien distinguer ce qui pourrait relever de l’enfermement volontaire comme cela se passe dans les monastères, de l’expérience scientifique dans une grotte, de l’exploration spatiale, de l’enfermement contraint (prisons, centres de rétention, quarantaine, psychiatrie, etc). La peur de la contamination joue à différentes échelles : chez soi, ce sont nos proches qui, revenant de dehors, peuvent nous contaminer. Dans l’enfermement contraint, comme en prison, la peur de la contamination est décuplée par le fait qu’on ne connaît pas, dans la majorité des cas, le ou les codétenus ou qu’on ignore qui était dans la cellule juste avant. Entre La Peste de Camus et l’humanité qu’elle révèle et le Huis Clos de Sartre ( «l’enfer c’est les autres»), on est plus du côté sartrien. Beaucoup de détenus commencent par nettoyer à fond la cellule dans laquelle ils sont affectés. Rendre propre un lieu, c’est aussi le rendre propre à soi, se l’approprier. La grosse différence, c’est qu’on est dans l’épidémie actuelle enfermé chez soi, dans un lieu qu’on connaît bien, déjà approprié, mais qu’on va redécouvrir. Pour celles et ceux qui n’ont pas de jardin, le manque de contact avec la «nature» pourrait être aussi difficile à gérer.
- Une autre étude chinoise, pilotée par le Dr Jianyin Qiu qui a épluché plus de 50000 réponses à questionnaires évoque l’anxiété, la dépression, les phobies, les comportements compulsifs : pourquoi la privation d’espace engendre-t-elle tant de détresse psychique ?
Ce n’est pas que la privation d’espace, mais aussi la crainte de la mort qui se joue derrière, la vulnérabilité, la dépendance radicale à autrui. Je n’ai pas en tête d’étude précise sur les condamnés à mort qui peuvent vivre cette incertitude de la date de leur exécution. La privation d’espace est, bien évidemment, une contrainte qu’il faut compenser, certains par la suractivité, d’autres par la passivité et la prise d’anxiolytiques. Mais l’absence de contacts faciles avec les proches complique encore plus le rapport au temps et au futur : le chômage de facto, l’incertitude sur les revenus, la santé qui se dégrade à cause de la sédentarité et du confinement, tout cela nourrit la détresse psychique des détenus en prison comme de la population libre en confinement sanitaire.
La privation d’espace engendre de la détresse psychique par les conséquences qu’elle implique. On va finir par comprendre que la privation de liberté est assurément une peine afflictive. Au Moyen-Âge, cela semblait insupportable d’incarcérer une personne plusieurs jours. Aujourd’hui, ne sombre-t-on pas dans la cruauté en condamnant des gens à des années, voire des décennies de prison?
Les foyers pour mineurs accusent le coup de la crise sanitaire. Au nom des 60 000 enfants qui leur sont confiés, les professionnels du secteur refusent qu’on les oublie.
C’est l’un des services essentiels de la République les plus durement touchés par les conséquences de l’épidémie de Covid-19. L’Aide sociale à l’enfance, avec ses pouponnières, ses foyers gérés par des associations, ses familles d’accueil, ses éducateurs et assistantes sociales se déplaçant chez les familles, voit son travail quotidien lourdement entravé par les mesures de confinement en vigueur depuis mardi 17 mars.
Face à la crise sanitaire, ce service public qui accueille quelque 175 000 enfants et jeunes majeurs – plus de 60 000 sont placés sur décision d’un juge ou par volonté de leurs parents dans des foyers gérés par des associations, les autres dans des familles d’accueil agréées – refuse de se retrouver dans l’angle mort des politiques publiques.
L’épidémie de Covid-19 a d’ores et déjà entraîné l’aménagement à distance des services de visite à domicile. Elle menace également le cœur du système : confinés, les foyers accusent le coup. Depuis la fermeture des écoles, lundi, des milliers d’enfants qui passent habituellement leur journée en classe se retrouvent enfermés jour et nuit dans des bâtiments plus ou moins spacieux, avec ou sans espace extérieur où se défouler.
Installée au Havre, l'association Terra Psy a créé une plateforme d'écoute téléphonique pour les personnes rendues vulnérables psychologiquement par le confinement au coronavirus.
Une plateforme d’écoute psychologique gratuite et accessible de tous a été créée par l’association du Havre (Seine-Maritime), Terra Psy – Psychologues sans frontières. Elle s’adresse aux personnes rendues psychologiquement vulnérables par le confinement au coronavirus. Depuis lundi 16 mars 2020, ce dispositif téléphonique rayonne dans toute la Normandie.
20/03/20 BELGIQUE Depuis mercredi, les Belges sont appelés à applaudir, tous les soirs à 20 heures, le personnel soignant, en première ligne dans la lutte contre la propagation du coronavirus. Face à ce soutien populaire, un médecin urgentiste liégeois a voulu pousser un "coup de gueule".
Je pense que je suis aigri, en mode lendemain de garde (24h d'affilée en ayant peu dormi). Mais globalement je ne supporte pas les gens qui applaudissent : les hôpitaux n'ont pas attendu le Covid-19 pour être dans la galère, en surbooking permanent.
On est où ? MSF va débarquer ? Une bonne partie des gens qui applaudissent, votent chaque année pour les connards qui diminuent les budgets, font des hashtags #keepsophie en oubliant qu'elle a été ministre du Budget d'un gouvernement qui a retiré plusieurs milliards d'euros dans les soins de santé.
Et soi-disant, ils ont peur parce qu'on risque nos vies ?! Les gens qui font des pauses et des boulots stressants par manque de moyens ne meurent pas d'infection. Ils meurent de leur boulot aux cadences infernales en perdant 10-15-20 ans d'espérance de vie.
Paris, le samedi 21 mars 2020 – Parmi les images d’Epinal attachées à la France, notre amour du verbe est souvent rappelé. L’appréhension de la crise par le Président de la République ce lundi soir, à l’heure de l’annonce de la mise en place de mesures de confinement dans l’ensemble du pays, en est une nouvelle preuve. Emmanuel Macron a en effet abondamment utilisé la métaphore guerrière à la fois pour décrire la gravité de la situation, mais aussi pour exhorter les Français à la mobilisation nationale. Ce discours a été l’objet d’innombrables commentaires et analyses.
Guillaume Grignard (chercheur en sciences politiques, Université Libre de Bruxelles) et Louise Knops (Doctorante en Sciences politiques, Vrije Universiteit, Bruxelles) ont notamment convoqué les travaux réalisés par l’historienne Anne Morelli sur la propagande de guerre pour décrypter les paroles d’Emmanuel Macron. « Parmi les dix principes identifiés, plusieurs peuvent être mobilisés pour analyser le discours du Président de la République. Principe n°3 : « L’ennemi a le visage du diable » est un concept qui permet d’éclairer le discours anxiogène à propos du coronavirus. Emmanuel Macron parlait d’un ennemi furtif et sournois qui est là un peu partout : « Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes, nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre nation, mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse ». (…) Principe n°9 « notre cause a un caractère sacré ».
Un jour, un regard sur la crise du Covid-19. Public Sénat vous propose le regard, l’analyse, la mise en perspective de grands experts sur une crise déjà entrée dans l’Histoire. Aujourd’hui, le regard de… Yves Coppens, paléoanthropologue, professeur émérite au Collège de France et au Museum d’histoire naturelle, auteur de « Le savant, le fossile et le prince - du labo aux Palais », Editions Odile Jacob. Dans une période particulièrement anxiogène, le chercheur nous fait part de son optimisme et de toute sa confiance en la science. « Vive la science ! N’ayez jamais peur de la science ! » nous dit-il.
Rebecca Fitoussi : Vous êtes un spécialiste des origines et de l’évolution de l’Homme. Ce que l’Homme vit aujourd’hui, ce virus auquel il est confronté revêt-il un caractère historique ?
Yves Coppens : Sur le plan de notre Histoire, depuis que l’on prend des notes, depuis qu’on enregistre, oui, il est historique. On n’a pas eu de phénomène apparemment aussi important. C’est intéressant et même passionnant comme époque. Passionnant !
Entretien |Face à l'évolution de la pandémie de coronavirus, la France a fait le choix du confinement : selon le philosophe Nicolas Grimaldi, le retranchement imposé par cette situation révèle que l'on ne vit pas pour soi-même, mais pour notre lien avec les autres.
Alors que les Français vivent confinés chez eux depuis ce mardi 17 mars, comment tenir psychologiquement, philosophiquement ? Et que révèle cette situation de notre rapport aux autres et à nous-mêmes ? Pour répondre à ces interrogations, Florence Sturm est allée chercher l'éclairage du philosophe Nicolas Grimaldi.
Cet ancien professeur à la Sorbonne a consacré la plupart de ses ouvrages à élucider nos expériences de la subjectivité. Il interroge notre rapport à la crise sanitaire actuelle et au confinement, avec le regard très particulier de celui qui vit lui-même "comme un trappiste cloîtré", dans l’ancien sémaphore de Socoa sur la Côte Basque. Il y réside depuis 1968, plus d’un demi-siècle donc : un salon au milieu de l’océan Atlantique et la mer "qui, très régulièrement, toutes les six heures, accompagne le plein champ… une sorte de chorale qui enfle lentement". Nicolas Grimaldi rend aussi un hommage vibrant aux équipes soignantes mobilisées contre le coronavirus.
Face à l'épidémie du Covid-19, sans lieu de confinement, les sans-domiciles fixes sont plus que jamais vulnérables. Sarah Frikh, maraudeure, et Bachir, intervenant social, se battent pour aider le plus possible les personnes à la rue et les confiner comme le reste de la population.
Selon la préfecture de la région Ile-de-France, le 13 mars, quinze cas de SDF contaminés par le coronavirus ont été recensés dans deux centres d'accueil.
Les maraudeurs continuent à aider les SDF mais avec des masques et des gants, en respectant les 1 mètres cinquante de sécurité. C'est le cas de Sarah Frikh,lanceuse d'alerte sur la situation des femmes SDFet créatrice du mouvement Réchauffons nos SDF.
Ce qui est triste c'est que les SDF disent qu'ils sont déjà à la rue et qu'ils vont de toute façon mourir. Ils estiment que c'est une situation de fin, on n'a pas fait attention à eux et ils voient pas pourquoi aujourd'hui on va leur donner plus d'attention.
Suite à l'annonce du passage en phase épidémique du Covid-19, la Direction générale de la santé (DGS) a publié les lignes directrices pour la prise en charge en ville des patients symptomatiques (document à télécharger ci-dessous): ceux présentant une forme simple ou modérée sont « invités à contacter leur médecin traitant, sauf en cas de signe de gravité où la recommandation restera d'appeler le SAMU-centre 15 ».
Concernant le test biologique (RT-PCR SARS-CoV-2), il est réservé de façon systématique : - patients hospitalisés pour un tableau clinique évocateur de Covid-19 ; - les trois premiers patients résidant en EHPAD et en structures collectives hébergeant des personnes vulnérables ; - tous les professionnels de santé dès l'apparition de symptômes évocateurs ; - les personnes à risque de formes graves et présentant des symptômes évocateurs ; - les femmes enceintes symptomatiques quel que soit le terme de la grossesse ; - les donneurs d'organes, tissus ou cellules souches hématopoïétiques.