INTERVIEW
Arnaud Esquerre, sociologue, chargé de recherche au CNRS :
Chargé de recherche au CNRS et membre du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC), Arnaud Esquerre est un des rares sociologues à s’intéresser au monde de la prédiction, de l’astrologie à la voyance.
Pourquoi le monde universitaire semble si peu s’intéresser à la voyance ?
Ces pratiques sont en effet très peu étudiées. Cela est particulièrement vrai en sociologie. Au cours des premières années de la discipline, au début du XXe siècle, quelques chercheurs se sont penchés sur le sujet, mais aujourd’hui, il n’existe plus aucun espace pour le faire exister. Les anthropologues s’y intéressent un peu plus, mais leurs études se limitent souvent aux autres civilisations et n’abordent pas la voyance en Europe. Ce manque d’intérêt est sans doute lié à un effet de discipline. La profession considère que ces pratiques ne sont pas sérieuses ou qu’elles ne concernent pas nos sociétés modernes. Alors qu’en réalité elles sont partout !
Que savons-nous des personnes qui consultent ?
D’abord, qu’elles sont bien plus nombreuses que ce que l’on pourrait croire. Ensuite, qu’il s’agit surtout d’un public féminin, même si les hommes consultent aussi, et urbain. La voyance et l’astrologie sont plutôt des phénomènes des villes.
Dans les campagnes, la demande existe aussi, mais elle s’oriente davantage vers les rebouteux ou les magnétiseurs qui s’occupent de la santé des êtres humains, mais aussi des bêtes d’élevage. Enfin, toutes les classes sociales sont concernées, mais la classe moyenne est peut-être plus représentée.
Que viennent-elles chercher ?
La motivation première est souvent liée à un problème particulier à résoudre. Ce sont des choses simples, relatives à la vie affective, familiale, des questions d’ordre professionnel ou de patrimoine, et de santé. Les personnes qui consultent sont à la recherche d’une aide. Pour la plupart, la séance de voyance a un statut quasiment thérapeutique, voire une fonction de soutien psychologique.
Que se passe-t-il lors d’une séance de voyance ?
Les voyants considèrent que leur capacité de perception est d’abord un don. Mais beaucoup précisent que ce dernier doit être travaillé. Par la pratique, les voyants apprennent à maîtriser des procédés, comme des techniques discursives ou une certaine attention à la communication non verbale. Ces gens-là sont comme des buvards, capables de capter des attitudes, des mouvements du visage, le maintien du corps. Une consultation est donc d’abord une coproduction entre le consulté et le consultant. Lors d’une séance, le voyant va amener des sujets, des thématiques, en utilisant souvent un ton de voix mi-affirmatif, mi-interrogatif. Ainsi, ces informations avancées pourront être modifiées, si elles ne sont pas validées par la personne consultée.
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