Clémence Thébaut, chef de projet à la Haute Autorité de santé (HAS)
Santé : "Il faut améliorer l'accès aux pratiques non médicamenteuses"
07.06.11
Dans un rapport intitulé "Développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées", remis mardi 7 juin, la Haute Autorité de santé (HAS) fait le point sur les freins au développement de ce type de prescriptions et sur les pistes à apporter. Ce rapport a été réalisé à la demande de la direction de la Sécurité sociale. De nombreuses études montrent les effets de l'alimentation et du sport sur la santé, tandis que le stress joue un rôle négatif. Clémence Thébaut, chef de projet à la HAS, qui a piloté ce rapport, répond à nos questions.
La France est championne d'Europe du médicament, quels freins avez-vous identifié au développement de thérapeutiques non médicamenteuses que sont la psychothérapie, l'alimentation, l'activité physique… ?
Les freins sont de plusieurs ordres. Ils sont d'abord de nature culturelle et sociétale. La valeur symbolique attachée à la représentation du médicament est forte, de même que celle liée à la rédaction de l'ordonnance, qui clôt la plupart du temps une consultation.
Les freins sont aussi économiques. La rémunération actuelle des médecins, avec un paiement à l'acte, n'incite pas les médecins à consacrer du temps à leur patient.
Le manque d'information est aussi mis en avant du côté des médecins, tant sur la nature de ces thérapeutiques que sur les compétences des professionnels spécialisés dans leur suivi (psychothérapeutes, diététiciens, kinésithérapeutes…).
Pour y répondre, la HAS propose la mise en place d'annuaires pluridisciplinaires et des rencontres au niveau local pour développer les connaissances entre les spécialités.
Justement, quelles pistes proposez-vous ?
Elles sont là aussi de différentes natures. Au niveau de l'organisation du système de santé, de nouveaux modes de rémunération des médecins doivent être étudiés, afin qu'ils soient incités à prendre le temps. Convaincre de l'intérêt thérapeutique de ces pratiques est une démarche de long terme. Il faut aussi améliorer l'information des médecins. Elle est pour une bonne part fournie par l'industrie pharmaceutique. Les médecins doivent être mieux formés aux recommandations sur les thérapeutiques non médicamenteuses. Il faut aussi améliorer l'accès de la population à ces pratiques, au niveau géographique…
Il s'agit finalement de modifier le regard de la collectivité sur le traitement. Autre piste, inscrire sur l'ordonnance les prescriptions en matière de pratiques non médicamenteuses au même titre que les médicaments.
Pensez-vous qu'un financement serait possible un jour par l'assurance-maladie, les mutuelles ?
Il faudrait approfondir les études sur l'efficacité de ces thérapeutiques. Par exemple, pour l'insomnie, il faudrait déterminer quels sont les traitements psychologiques les plus efficaces selon le type de patient… comme la HAS le fait à chaque fois lorsqu'elle évalue une stratégie de santé. Un avis pourrait ensuite être rendu sur l'intérêt de ces pratiques et sur le fait qu'elles méritent ou non une prise en charge collective, donc un financement par l'assurance-maladie. L'aspect financier peut en effet être un frein important pour la population.
Pascale Santi
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