27 Juin 2011
Bonjour !
Aux braderies des occasions perdues, et en période de soldes, une certaine idée théorico-pratique de la psychiatrie risque de choir dans le caniveau, et ce n'est pas la faute à Rousseau. Elle est priée de se taire, et ce n'est pas la faute à Voltaire.
Proposée à l'ancan d'une vente forcée, elle n'a trouvé preneur que du côté des fourgues; ceci grâce à certains experts qui ont dissuadé les antiquaires d'en faire même une relique valable. La Psychiatrie Publique de Secteur, avec son approche humaniste, sociale, et ses pratiques holistiques et multidisciplinaires, pourrait presque écrire en lettres de sang sur les murs des asiles: "homard m'a tuer".
Car nous l'allons voir ci-dessous, le panier de crustacés à pinces coupantes a dit sa loi; au large les comiques du soin à base d'accueil et de relation, aux chiottes le transfert (cette fumisterie jadis inventée par un Autricien embourgeoisé, à seule fin d'ennuyer le Professeur Nimbfray), aux rancard les tocards, aux hangars les ringards!
Cette loi, comme ce l'était déjà en germe dans les lois de 1990 et aussi de 2005, pour les observateurs non aphaques, met en oeuvre des mesures non d'intérêt général, comme ce devrait être son éthique, mais ciblées. Pardonnez ce syllogisme: qui dit cible dit tireur, proie et chasseur... Je ne m'attarderai pas, néanmoins, sur les chasseurs (de voix populistes?), sur les prédateurs de chiasse, prêches, ratures et trahisons. Les diptères agités sur un merdier portent en eux l'insignifiance de leur vol erratique et de leur avidité.
Mais parlons du merdier lui-même.
- Rédigée pour satisfaire à une idéologie, la loi portant réforme des droits des malades en psychiatrie est raisonnable et juste (oh! plus tard les tomates pourries sur mon écran!!!!). raisonnable, car elle répond avec beaucoup de méticulosité à son réel objet, protéger le bon peuple frileux des avatars de la menaçante folie; juste, car elle donne à la majorité la protection majeure que la démagogie lui reconnait.
- Mort aux idéologies, proclament nos grands idéologues aveuglés par la leur. Aussi s'appuient-ils, pour légiférer (régenter?), sur celle-ci. Les personnes atteintes de psychose ne sont que 1,5 million, les vrais citoyens 59 millions. Elles sont souffrantes, peu votantes, égarées du sens commun, le plus souvent pauvres par la force des choses, et ne sauraient donc être détentrices du bon sens populaire; en bref elles ne sont pas le peuple... Moralité: "à traiter comme les autres minorités, en minorant notamment leurs droits et leur dignité"
- Pas plus que dans les autres champs du rejet social, les fous ne bénéficient de ce qui fait le lit de la démocratie, la prise en compte de leurs besoins spécifiques. Et de la même manière, c'est le contentement ravi et ignorant de la masse qui est "ciblé" dans les mesures à leur encontre. Pour qu'une telle ignominie puisse advenir, ne faut-il pas des acteurs complices?
J'accuse les experts de tous poils de dévoyer la réflexion nécessaire au profit de points de vue consensuels dont les racines sont douteuses. J'accuse les importateurs de produits et denrées psychiâtriques anglo-saxonnes de menées scientistes et intéressées ainsi que de déni du sujet souffrant au profit d'efficiences de façade. J'accuse surtout la grande masse des "rampants", comme on dit en aviation, soumis de plein gré au service des planeurs universitaires, aux pilotes idéologues, aux "mirages" qui bombardent les savoir-faire du terrain des soins.
La psychiatrie française, combien de divisions ? (belle polysémie, non ?), aurait pu dire le démocrate régulateur staline... Une fois, une seule, en quarante ans, les gens qui s'occupent des soins aux malades psychosés se sont réunis et mis d'accord sur des fondamentaux; ce fut à l'occasion des Etats Généraux de Montpellier. Le bébé ainsi accouché est-il encore en couveuse, pour grande prématurité, ou mort-né ? Si on se rappelle que les propositions et motions faites à ce moment-là furent déléguées quasi immédiatement à des Purgons et Diafoirus, à des sous-commissions évoquant les badinages de la feu SDN, à des groupes pondeurs de rapports hermético-expertaux, on voit bien que ledit bébé a été jeté avant même l'eau du bain.
Ce texte ne se veut, malgré les apparences, ni jérémiade ni rodomontade, mais bien proposition d'un retour à la pensée partagée, à l'étude sérieuse de la situation, à l'élaboration des bases théoriques et des mouvements pratiques du soin. Et pas dans un champ miné d'évaluations, de certifications, d'accréditations, de bilans comptables, de pseudo-expertises, mais dans la reprise, sur les bases mêmes des derniers Etats Généraux de la psychiatrie, d'une véritable reconstruction de ce pourquoi nous sommes mandatés et existons en tant que professionnels... Engagés?
Jean Claude Duchêne, cuisinier amateur de ratatouille psy
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