TRIBUNE
La France vit, depuis une dizaine d’années, dans un climat de surenchère laïque, visant à bannir au nom des exigences du vivre ensemble toute forme d’extériorisation de la croyance religieuse dans l’espace social, et en particulier les tenues vestimentaires des musulmanes. C’est la longueur de la jupe portée par une collégienne de Charleville-Mézières qui nourrit la casuistique. Mais ce débat longtemps cantonné au collège et au lycée se reporte également, et de plus en plus, sur l’enseignement supérieur. De ce que le port de signes ostensibles d’appartenance religieuse est prohibé à l’école primaire, au collège et au lycée, on infère qu’il devrait l’être aussi à l’université au nom du principe constitutionnel de laïcité. Car ainsi que l’exprime le préambule de 1946, l’organisation de l’enseignement public laïque et gratuit est un devoir de l’Etat «à tous les degrés».
La laïcité est, bien entendu, un principe fondamental de l’enseignement supérieur comme de ceux qui le précèdent, et c’est avec l’université que la grande l’histoire de l’enseignement laïque a commencé de s’écrire. L’adoption, en 1875, de la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur, qui offre aux républicains l’occasion d’affûter leurs arguments, est le point de départ paradoxal du processus de laïcisation de l’enseignement. Cette loi du 12 juillet 1875 a eu comme prolongement immédiat la création des universités catholiques d’Angers, Lille, Lyon, Paris et Toulouse, bientôt déployées autour de leur faculté de théologie. Or, la fondation par l’Eglise de ses propres structures a entraîné la suppression, dès 1885, des facultés de théologie catholiques de l’université publique, jugées inutiles. La loi de 1905 fera subir le même sort à la théologie protestante. Si donc l’université est devenue laïque, c’est en évinçant la théologie des humanités qu’elle enseigne.