A Besançon, la maison où la fin de vie est plus légère
Le Monde.fr |
Nadine trinque, lève sa coupe de champagne (sans alcool), grignote un morceau de millefeuille, mais le sourire est timide. Ce pot est synonyme de retour à domicile pour elle, après une semaine passée à la "Maison de vie" de Besançon. Une semaine comme une parenthèse, dans sa "deuxième maison", où elle vient régulièrement passer quelques jours de repos, comme une "piqûre de rappel de vie". Nadine est rongée par un lourd cancer qui la cloue dans un fauteuil roulant et la rend dépendante pour se nourrir, se laver, se déplacer... mais ne l'empêche pas de garder le sens de l'humour et vouloir faire la fête avec tout le personnel de la "maison". Pour les remercier, elle a demandé à ses filles et à son mari d'acheter des bouteilles de champagne (avec alcool) et des gâteaux. Mais Nadine est partagée entre la joie de rentrer chez elle et la tristesse de quitter ce lieu où la vie est plus légère.
C'est tout le paradoxe de cette maison expérimentale, qui accompagne des personnes en fin de vie ne nécessitant pas de soins hospitaliers trop lourds : aux rires et sourires des sept résidents et du personnel se mêlent parfois les larmes. Car ici, tout se partage : les repas, les apéros l'été sous le tilleul, les sorties ciné, mais aussi les départs. Installé dans le quartier bucolique de Saint-Ferjeux à Besançon, ce lieu a été imaginé et pensé pendant huit ans par Laure Hubidos avant de voir le jour en juin 2011. Bénévole de longue date dans l'unité de soins palliatifs du CHU de Besançon, cette quadragénaire dynamique et charismatique rêvait de créer un lieu qui soit une alternative à l'hôpital et au domicile pour des personnes en fin de vie. Un lieu entre la maison de soin et la maison de famille.
PAS DE BLOUSES BLANCHES
"Bien souvent, je voyais que des personnes malades, quand elles avaient le sentiment de devenir une charge trop lourde pour leurs proches, se rendaient à l'hôpital alors qu'elles n'avaient pas besoin d'être hospitalisées", raconte cette ancienne attachée de presse, dont la vocation a mûri au fil des ans. L'hôpital, avec ses règles strictes, son personnel débordé, ne répondait pas au besoin d'accompagnement de ces personnes et de leurs proches.
Le dossier financier est difficile à boucler, mais quand le gouvernement lance un plan national pour le développement des soins palliatifs en 2008, les fonds se débloquent peu à peu : le conseil régional s'engage à financer la maison aux deux tiers, la Croix-Rouge entre comme partenaire du projet, et les Sœurs de la charité installées à Saint-Ferjeux mettent à disposition une bâtisse. Après d'importants travaux de réfection, l'installation d'un ascenseur, de salles de bain accessibles aux handicapés et le recrutement d'une dizaine de personnels, la Maison de vie ouvre ses portes en juin 2011.
Sous la garde de l'imposante basilique de Saint-Ferjeux, le site fait penser à une maison d'hôtes : parquet cérusé, meubles chinés, chambres personnalisées. "La déco, cela peut paraître superficiel, justifie Laure Hubidos, mais cela aide les résidents à se sentir chez eux." Pour comprendre les spécificités de ce lieu, il faut relever les petits détails, comme l'absence de blouses blanches du personnel. "On ne distingue pas qui est résident, qui travaille et cela nous met tous au même niveau, explique Rachel Lyautey, aide médico-psychologique.Au début, les résidents sont surpris, mais on leur a demandé leur avis, et ils préfèrent qu'on soit en civil."