Psychiatrie : Appel à la résistance contre "la déraison d’État"
Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire a rendu public le 28 février 2011 un Appel "Réforme de la psychiatrie, une déraison d'État". Getty Images/Steven Golem
Par Laurence Théault
La loi sur les soins psychiatriques - qui instaure notamment les soins à domicile sous contrainte - devrait être adoptée le 1er juin 2011 par les députés. Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire s'oppose à cette loi qui, selon lui, exclut la complexité de la maladie mentale.
« J’ai l’impression qu’on me parle souvent comme si j’entendais des voix. Parfois quand je n’ai pas pris mes médicaments, j’ai l’impression qu’on me parle constamment », explique un patient ...
Parce que la maladie mentale est difficile, parce que le soin en psychiatrie est extrêmement complexe et délicat, psychiatres et infirmiers dénoncent toujours aussi fermement un projet de loi qui prévoit de soigner à domicile sans le consentement du patient. Pire à leurs yeux, si un patient refuse le soin, ce dernier pourra être conduit à l'hôpital par la police.
Selon Yves Gigou, infirmier en psychiatrie, membre du collectif des 39, il s'agit « plus [d']une loi de police qu’une loi sanitaire ».
Autre sujet d'inquiétude suscitée par ce projet de loi, le recours aux médicaments : « Les soins sous contrainte à domicile, étant donné la pénurie des effectifs soignants -en particulier infirmiers- et de l’absence de formation spécifique, ça va être des soins médicamenteux, des prescriptions de produits retard, des choses comme ça. Or, tout le travail des professionnels de la psychiatrie repose sur des relations de confiance entre le patient et les soignants qui le prennent en charge -et vice versa- pour que les thérapeutiques se déroulent dans de bonnes conditions ».
Le projet de loi examiné lundi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, instaure notamment la possibilité de soins ambulatoires sans consentement.
Il avait été initié fin 2008 par Nicolas Sarkozy après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade mental enfui de l'hôpital.
Vivement contesté par les personnels soignants, ce projet de loi mobilise le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire : une pétition d'opposants a recueilli plus de 30.000 signatures.
Psychiatrie : soins à domicile sans consentement
01 juin 2011
La réforme des soins psychiatriques divise la profession.
Les députés ont adopté, hier, la loi réformant les soins psychiatriques. Elle doit entrer en vigueur le 1er août. Le milieu médical la conteste.
Souhaitée par Nicolas Sarkozy après le drame d'un étudiant grenoblois poignardé par un jeune schizophrène ne suivant plus son traitement, la réforme des soins psychiatriques entrera en vigueur le 1er août.
Elle a été adoptée, hier, par les députés, malgré les critiques des milieux psychiatriques et d'associations de malades. Une commission paritaire, composée de sénateurs et de députés, doit en fixer les ultimes modalités.
Le lien de confiance rompu
Que prévoit cette loi ? Jusqu'à présent, seule l'hospitalisation, en cas de crise, pouvait se faire sans le consentement du patient. Désormais, des soins ambulatoires, à domicile, pourront être imposés au patient. S'il se dérobe, il peut être alors hospitalisé d'office. Ce qui, aux yeux des médecins, rompt le lien de confiance nécessaire entre le soignant et le soigné.
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Psychiatrie : l'Assemblée vote le projet de loi contesté par les psychiatres
PARIS — L'Assemblée a adopté mardi en deuxième lecture le projet de loi réformant l'hospitalisation d'office permettant notamment les soins sans consentement à domicile, dénoncé comme un texte "sécuritaire" par l'ensemble des syndicats de psychiatres et l'opposition.
Le vote de cet texte intervient alors qu'un rapport de l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas) rendu public mardi pointe des dysfonctionnements en matière de sécurité dans les hôpitaux où sont soignés les internés d'office.
Le projet de loi a été voté par 297 voix contre 191.
Jacqueline Fraysse (ex-PCF) a dénoncé un texte "sécuritaire" et
"réducteur" et déploré qu'il ne prévoie "aucun moyen pour la justice et les hôpitaux". "Qui va suivre ces patients et où ?", a-t-elle interrogé.
Serge Blisko (PS) a fustigé un projet "sécuritaire" et mis en avant "les 800 postes de psychiatres non pourvus". "Vous allez augmenter les obligations administratives d'un personnel débordé et découragé", a-t-il lancé. "Vous n'avez tenu compte ni de leurs critiques, ni de leur colère, ni de leurs inquiétudes", a-t-il ajouté.
L'opposition a réclamé au cours des débats un plan d'envergure sur la santé mentale. La secrétaire d'Etat à la Santé, Nora Berra, a fixé l'horizon d'un tel plan "à l'automne". "Espérons qu'il puisse résoudre les problèmes en suspens !", a souhaité Jean-Luc Préel (Nouveau Centre), qui juge, comme André Flajolet (UMP), le texte "équilibré".
M. Préel a cependant souligné "les difficultés sérieuses dans l'application de cette loi".
Le texte n'a été modifié qu'à la marge en deuxième lecture, après avoir fait l'objet de rebondissements au Sénat.
Le 25 mai, devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, a demandé "aux pouvoirs publics de réfléchir sérieusement à un plan de développement de la psychiatrie publique", un secteur en "graves difficultés" avec "des problèmes cruciaux d'effectifs".
Le projet de loi prévoit l'intervention d'un juge des libertés et de la détention au-delà de 15 jours, en cas d'hospitalisation d'office à la demande d'un tiers, comme l'imposait le Conseil constitutionnel.
Au cours des débats, le PS a tenté en vain de réduire la période d'observation de 72 à 48 heures en cas d'hospitalisation d'office, une période que les opposants au projet qualifient de "garde à vue psychiatrique".
Une pétition d'opposants, à l'appel du "Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire", a recueilli plus de 30.000 signatures. Elle dénonce une sorte de "fichier psychiatrique", ce que nie farouchement le gouvernement. La réforme "renforce les libertés et les droits des patients", argue Nora Berra.
Le texte instaure également une possibilité d'hospitalisation d'office en cas de "péril imminent", et renforce le dispositif de suivi pour les personnes déclarées irresponsables pénalement ou ayant séjourné dans une "unité pour malades difficiles".
Quelque 70.000 personnes sont hospitalisées sous contraintes chaque année.
Ce projet de loi avait été initié fin 2008 par Nicolas Sarkozy après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade mental enfui de l'hôpital. Il va maintenant être examiné par le Sénat.
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