par Wendy Delorme, Autrice publié le 8 août 2023
Les enfants, on en veut un peu, beaucoup, et parfois pas du tout. Aux combats des un·es pour construire leur famille hors du modèle patriarcal répond, chez d’autres, le refus de devenir parent pour des raisons familiales, politiques ou écologiques. Seule certitude : ces choix de parentalité ou pas changent nos partis pris et nos convictions, pour le meilleur et pour le pire. Libé se plonge dans ces histoires de familles pour mieux questionner les contradictions de cette injonction parfois ironique à avoir des bébés.
J’ai toujours voulu des enfants. J’en ai trois aujourd’hui. Chaque fois que j’utilise ma carte SNCF «famille nombreuse», j’ai le même sentiment d’incrédulité. Comme dit mon père, ce statut de «mère de famille nombreuse» était inattendu. Je souris en lui rappelant que c’est lui qui pourtant me répétait comme un mantra «Ne dépends jamais d’un homme !» ce qui ne m’a pas empêchée de faire trois enfants. Pas exactement «faire», puisque je ne les ai pas toustes conçu·es ni porté·es. Deux d’entre iels ne portent pas mon patronyme ni mon patrimoine génétique (on devrait dire «matronyme», «matrimoine»). Peu importe, les trois sont mes enfants.
Iels ne sont pas «à moi» en réalité. On n’appartient qu’à soi. Quatre adultes s’en occupent alternativement au fil de la semaine. Rien n’était pensé pour que ça existe, du point de vue légal et administratif. Procréer hors du cadre hétérosexuel, vivre la coparentalité en garde alternée, former une constellation différente de la configuration traditionnelle («un-papa-une-maman»), c’est comme écrire une épopée sans modèle préétabli. Inventer au fur et à mesure nos propres modalités.
Car la famille est initialement le lieu où beaucoup d’entre nous, membres des communautés LGBTQI, avons subi le rejet, quand ce n’est pas la violence. Faire famille revêt alors d’autres enjeux, au-delà de la loi qui, malgré des avancées (ouverture du mariage aux couples de même sexe, légalisation de la PMA pour les lesbiennes), reste inadaptée à la réalité des multiples façons d’aimer, de transmettre et de faire filiation. Concevoir un enfant en famille homoparentale ça se choisit, ça se décide, ça n’arrive pas par hasard.