Alexis Ferenczi 13.5.22
« Vous voyez qu’on n’en avait pas tellement peur… »
La voix qui s’élève est celle d’une ancienne infirmière de l’hôpitalpsychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole. Ses confidences hors caméra ouvrent le documentaire Les Heures heureuses de Martine Deyres et vient illustrer une photo usée par le temps montrant malades et soignants en balade dans les paysages de Lozère. Pas de peur, pas de mur, pas d’enfermement. « Ici, on n’attachait pas les malades », poursuit la voix bientôt rattrapée par celle de la réalisatrice : « Aujourd’hui, partout, digicode, grillage, caméra de surveillance, camisole, chambre d’isolement. »
Saint-Alban est une anomalie dans le monde capitonné de la psychiatrie. Pour la raconter, Martine Deyres s’est plongée dans une matière unique : des films muets tournés au mitan du XXe siècle par les infirmiers. Les bobines ont été conservées par l’association culturelle de l’hôpital « qui les avait classées mais jamais utilisées, ni revues, depuis leur projection, à l’époque, aux veillées du club ». Accompagnées de témoignages, ces archives retracent l’histoire de l’asile, matrice d’un mouvement thérapeutique issu du surréalisme, du marxisme et de la psychanalyse qui entendait lutter contre l’exclusion et l’avilissement des fous.
Avant d’être une utopie, Saint-Alban est d’abord une ancienne forteresse médiévale d’où seraient parties quelques battues à la recherche de la célèbre bête du Gévaudan. Sous l’impulsion d’Hilarion Tissot, le château devient en 1821 un centre d’accueil pour les aliénés de la ville voisine de Mende. Ce frère de l’ordre de Saint-Jean se piquait d’améliorer le sort des malades en leur offrant un protocole de soin plus adapté que celui consistant à les laisser dormir enfermés, enchaînés et nus sur la paille.
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