Pauline Porro. 6 août 2021
Dans les œuvres de fiction, par la voix de célébrités… Jamais les troubles psychiques n’ont été si présents dans l’espace public. Une visibilité croissante à laquelle la crise du Covid n’est pas étrangère. En la matière, les réseaux sociaux font office d’espace d’expression privilégié. Comment comprendre cette libération de la parole numérique ? Mais surtout, jusqu’à quel point contribue-t-elle réellement à une véritable prise de conscience sociétale plus globale ?
Kristine souffre de bipolarité de type 2 et de cyclothymie. Lors d’une période de down particulièrement sévère, elle décide de créer la page cyclothymia.and.bipolar sur Instagram. « Je me suis dit qu’il devait bien exister quelque part quelqu’un qui souffrait de bipolarité et qui comme moi ne parvenait pas à être comprise par ses proches. »
« J’ai toujours été très seule avec ma maladie, confie Julie, 30 ans, qui souffre de dépression chronique et d’anorexie mentale restrictive. À la suite de mon diagnostic en 2019, cela ne s’est pas arrangé ».
Afin de sortir de sa solitude, l’idée d’ouvrir un compte Instagram fait son chemin. Elle lance alors la page depression_sans_pression. Lorsqu’elle est hospitalisée sous contrainte en raison d’un risque suicidaire, elle témoigne au jour le jour de son quotidien sur son compte, où 1188 abonnés la suivent.
Je voulais mettre en évidence la gravité de la maladie mais également faire connaître le traitement hospitalier qui nous est réservé. Je voulais témoigner et surtout dénoncer
C’est suite à une hospitalisation particulièrement traumatique que Sandra* suit les conseils d’une amie psychologue et crée sa page Instagram, Noire et Bipolaire. « Je voulais mettre en évidence la gravité de la maladie mais également faire connaître le traitement hospitalier qui nous est réservé. Je voulais témoigner et surtout dénoncer. »
23,7 millions de publications pour #depression
À l’instar du compte de Kristine, Sandra ou de Julie, les réseaux sociaux regorgent de pages consacrées aux troubles psychiques et psychiatriques. En la matière, Instagram fait figure d’application reine. Sur le réseau social, le hashtag #depression culmine à 23,7 millions de publications, celui de #bipolar à 2,5 millions. À tel point que les psychologues en font désormais un lieu d’information et de promotion incontournable.
Ouvrir un espace d’échanges ou d’aide mutuelle, volonté de dédramatiser et de démystifier la maladie, dénoncer les failles du système médical… les raisons qui poussent à médiatiser sa maladie mentale sur les réseaux sociaux sont multiples. En agissant comme révélateur, les réseaux sociaux participent d’un phénomène de libération de la parole autour de la maladie mentale, notamment pour le jeune public.
« La crise a suscité des idées suicidaires. Auparavant, on se battait pour lever les tabous liés à la santé mentale, mais désormais, on se permet beaucoup plus de communiquer sur ses maux, et de les assumer publiquement. »Vanessa Lalo, psychologue clinicienne, spécialiste des pratiques numériques